Le 17 août 1942, les habitants de la région de Rouen entendirent dans le ciel un vrombissement particulier qui deviendra par la suite sinistrement habituel pour la France et l’Europe occupée. Ce jour-là, douze bombardiers B-17 introduisirent les raids massifs diurnes des packs de bombardiers frappés de l’étoile blanche américaine. Conduit par le chef de la 8th USAAF en personne et comportant le futur pilote de l’Enola Gay, le raid du 17 août 1942 attaque les installations ferroviaires de l’agglomération rouennaise, un type d’objectif qui deviendra habituel pour les Américains.
Après 19 Avril 1944, Paul Le Trevier apporte une nouvelle étude sur le sujet des bombardements de Rouen par les Alliés. Objectif Rouen est un livre très agréable à lire et à consulter, l’iconographie s’avérant riche et variée. Il se présente en plusieurs chapitres qui brossent un portrait de la situation générale du 17 août 1942, à commencer par la situation de Rouen et des forces en présence, et qui détaillent la mission, cartes à l’appui, du point du vue des assaillants, des défenseurs et des Rouennais qui semblent être, l’espace d’une journée, des lapins dans un champ de tir. Plusieurs annexes tirés de documents officiels d’époque complètent la description de cette journée historique pour Rouen, pour les Allemands et pour l’USAAF.
La particularité de ce raid, et donc du livre, est sa charge doctrinale. En effet, ce raid qui symbolise l’entrée en guerre des aviateurs américains en Europe valide la théorie du bombardement de jour sur des objectifs très ciblés, prônée par l’État-major US. S’opposant aux Britanniques du Bomber Command qui, appliquant les thèses de Douhet, et plus particulièrement celles de Trenchard, attaquent les villes ennemies par des bombardements massifs de nuit, les Américains estiment meilleur d’attaquer les réseaux de transport terrestre et le système industriel au sens large, par des bombardements diurnes pour augmenter la précision des attaques. Avec le raid sur Rouen, les Américains démontrent qu’il est possible d’attaquer de jour des objectifs précis sans se faire décimer par la Luftwaffe. C’est cette tactique qui sera appliquée par l’aviation américaine durant toute la campagne aérienne sur l’Europe.
Bien sûr, la validité de la doctrine sera largement remise en question tout au long de la guerre et même après, la précision des bombardements étant beaucoup trop faible pour atteindre les objectifs fixés par la planification des opérations. Objectif Rouen illustre d’ailleurs tout à fait les limites de cette doctrine autant que de la précision des bombardiers américains.
Tim Larribau
160 pages, 16 x 24 cm, couverture souple