Jean-Pierre Pécau aime torturer l’Histoire, et s’est imposé parmi les spécialistes de l’uchronie française avec la longue série des Jour J (dont la trilogie Oméga, qui décrit une France fascisée dès les années 30), Le grand jeu (où les Alliés ont stoppé la progression allemande et obtenu un armistice en 1941) ou encore USA über Alles (où Allemands, Français et Anglo-Saxons sont alliés contre l’URSS). Il s’en prend une nouvelle fois à la Seconde Guerre mondiale, adaptant cette fois une uchronie existante de Jacques Sapir.
C’est ici en juin 1940 que l’Histoire que nous connaissons bascule : pendant la débâcle, au sommet du conflit entre les partisans d’un combat depuis l’Empire et ceux d’un armistice avec l’Allemagne, Paul Reynaud ne démissionne pas ; au contraire, il fait arrêter Philippe Pétain pour haute trahison. C’est à cette histoire que sont mêlés par hasard les deux protagonistes du volume, la jeune propriétaire d’un De Havilland Gipsy Moth rose et un pilote de l’Aéronautique navale à la recherche de son unité.
Le scénario est évidemment soigné sur le plan historique et offre un bel équilibre entre scènes d’action et passages posés permettant de présenter les enjeux. Il y a certes une séquence un peu bavarde aux pages 38 à 40, mais elle correspond au style verbal des politiciens de l’époque et reste relativement digeste : l’ensemble est donc franchement prenant.
Le dessin de Jovan Ukropina et les couleurs de Tanja Cinna sont dans les bons standards du moment : les personnages sont expressifs et aisément reconnaissables (y compris pour les visages historiques, Reynaud, Pétain et de Gaulle étant notamment présents), les scènes d’action sont dynamiques et la palette est lisible et élégante. Nous ne sommes pas au niveau des peintures de Hugault ou des superbes colorisations de Bombroad, mais le graphisme soutient efficacement le scénario et est tout à fait réussi.
Voici donc un premier tome prometteur, captivant et bien mené, qui séduira sans peine les amateurs d’uchronie « sérieuse » et de récit d’aventures.
Franck Mée
48 pages, 21,5 x 29 cm, relié couverture rigide
– Couleurs par Tanja Cinna
Les albums de la collection 1940 : Et si la France avait continué la guerre
© Éditions Soleil
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