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Elles ont conquis le ciel

Bernard Marck

Selon la formule consacrée, il n’est plus nécessaire de présenter Bernard Marck, journaliste et historien de l’aviation à la plume émérite, auteur entre autres de deux volumineuses et remarquables biographies de femmes-pilotes (Hélène Boucher, la fiancée de l’Air publié en 2003 chez l’Archipel et Amelia, le fascinant destin de la plus grande aviatrice du monde publié en 2010 chez Arthaud). Avec Elles ont conquis le ciel, il retrace les parcours de cent aviatrices emblématiques. Et si l’on doutait des aptitudes aéronautiques de ces femmes de l’Air, c’est à dessein qu’il emploie régulièrement les mots de « destin » ou « prédestination » pour bien appuyer sur le fait que ces femmes n’étaient pas devenues des aviatrices chevronnées par hasard mais bien par leurs qualités et leur tempérament.

Le choix volontairement limité à une centaine d’entre elles seulement nous permet d’apprécier un ouvrage de luxe, au papier épais et satiné, où la mise en page ne vise pas l’économie mais au contraire une réelle mise en valeur de l’ensemble, dont les magnifiques photographies toutes en noir et blanc et parfaitement détourées pour se fondre dans la page lorsque cela est nécessaire. L’effet délicieusement suranné convient à merveille à ces véritables fresques biographiques réparties entre six grandes époques : (Les amazones aériennes de la Belle Époque, Les Années Folles, la Seconde Guerre mondiale, les femmes à réaction, l’âge d’or de l’hélice, les femmes de l’espace). Pour admiratif qu’il soit, Bernard Marck n’idéalise ou n’aseptise pas pour autant ses héroïnes : il est certes question de la détermination dont elles durent faire preuve pour s’affranchir d’une condition sociale prédéterminée, pour s’imposer voire surpasser les hommes à force de travail, mais aussi de leur déboires, de leur solitude parfois, de leur caractère : ainsi Adrienne Bolland « Madame sans Gêne » qui lâche le mot de Cambronne alors qu’un ministre se présente, « l’âme de midinette sous une apparence très masculine et un vocabulaire plutôt viril » de la cascadeuse aérienne Florence « Pancho » Barnes (propriétaire du fameux bar de l’escadrille près de la base aérienne de Muroc, le repaire des futurs astronautes de Edwards AFB immortalisé par le fameux film L’étoffe des héros) ou encore Beryl Markham décrite par Hemingway comme une « garce de haut vol. » Et qui se souvient encore de Lena Bernstein au « destin à l’antique », de Madeleine Charnaux, Claire Roman ou Blanche Noyes ? « Des visages défilent, des sensations reviennent, intactes. Elles sont là, enthousiastes et sensuelles, pour vivre. Vivre, voler, surtout exister… » (Bernard Marck).

En ce début de XXIe siècle, où les femmes pilotent les avions de combat les plus sophistiqués ou voyagent dans l’espace, entre autres métiers qui étaient présumés réputés typiquement masculins, Virginie Guyot (la première femme pilote à intégrer la Patrouille de France) s’exprimait ainsi alors qu’elle venait le prendre le commandement de cette prestigieuse unité en 2010 : « Certes j’ai des compétences, mais comme les autres pilotes de la formation. L’idée que certains individus trouvent extraordinaire le fait qu’une femme puisse accéder à ce poste est, selon moi, plutôt « rabaissante » pour les femmes. C’est juste une question de motivation et de travail » Là est bien le problème : les femmes n’ont jamais demandé qu’on les considère comme des êtres fragiles et exotiques, mais seulement qu’on reconnaisse leurs mérites basés sur leurs capacités et leur travail. Le magnifique « album de famille » de Bernard Marck nous rappelle qu’elles n’ont jamais rien eu à envier à la gent masculine en termes d’opiniâtreté et de courage, ce dès les balbutiements des plus lourds que l’air.

Georges-Didier Rohrbacher


240 pages, 24 x 31 cm, environ 250 photographies
1,908 kg

Coup de cœur 2009

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Arthaud

ISBN 978-2-7003-0121-2

Coup de cœur 2009
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