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Hermann Goering

Le deuxième homme du IIIe Reich
François Kersaudy

 Coup de cœur 2010 

Il est des livres que l’on lit et que l’on jette parce qu’ils sont si insipides et insignifiants que la seule place qu’ils méritent est de finir dans un conteneur « jaune ». Et puis, il y a ceux que l’on lit, que l’on savoure, ceux qui vous font passer de délicieuses nuits blanches, ceux pour lesquels l’histoire est si passionnante que le sommeil n’a plus d’emprise sur le lecteur avide de connaître la suite. Ces ouvrages-là sont conservés religieusement puisque, tôt ou tard, l’on sait qu’on s’abîmera les yeux un autre jour à les relire en s’attardant plus longuement sur certains détails qui auraient pu échapper à la première lecture ou simplement lire entre les lignes.

La biographie de Hermann Goering, de François Kersaudy fait partie de ce lot rare et précieux. Du début jusqu’à la fin, il dresse un portrait flamboyant de celui qui fut le paladin de Hitler, le second homme du IIIe Reich, cumulant des innombrables fonctions politiques, militaires et honorifiques. Comme l’annonce l’introduction, Hermann Goering, as allemand de la Première Guerre mondiale, couvert de décorations, fut à la fois « un comploteur de taverne, putschiste improvisé, militant errant, chômeur morphinomane, homme d’affaires talentueux, dandy corpulent, orateur tonitruant, député mercenaire, président du Reichstag conquérant, ministre de l’Intérieur sans scrupule, président du Conseil arriviste, truand confirmé, criminel d’occasion, ministre de l’Air étincelant, parvenu millionnaire, diplomate officieux, chasseur d’élite, stratège de salon, économiste amateur, écologiste avant l’heure, collectionneur d’art compulsif, successeur désigné du Führer et complice de tous ses crimes. » Ce portrait serait incomplet si l’on n’y ajoutait pas également : Grand Veneur du Reich, responsable de la Nuit des longs couteaux et de l’Anschluss en 1938.

Comment rester insensible devant une telle personnalité qui parvient tout de même à faire preuve d’un incroyable charisme et d’un sentimentalisme exacerbé dès lors qu’il s’agit des siens ? L’auteur analyse le rôle d’un homme hors normes dans le NSDAP avant son arrivée au pouvoir en 1933, puis dans le IIIe Reich que Hitler avait promis « millénaire ». La vie de Goering, le sybarite, est passée au crible tant dans ses fonctions militaires, administratives, économiques que dans sa vie privée.

Quand éclate la Seconde Guerre mondiale, il exulte d’orgueil avec les victoires de sa puissante et destructrice Luftwaffe. Idolâtrant le Führer auquel il voue un véritable culte, il est la voix de son maître, même s’il s’oppose mollement à l’invasion de l’URSS. Après la défaite de Stalingrad, il se désintéresse de la guerre, et délègue ses multiples fonctions (qu’il ne maîtrise d’ailleurs pas) à ses subordonnés, préférant se réfugier dans ses terres ou courir la France et la Hollande pour piller les œuvres d’art qu’il destine à Carinhall, un domaine qu’il ne finit pas d’agrandir démesurément par les richesses qu’il engrange.

Dépourvu de tout scrupule et de courage moral, vaniteux, d’un égocentrisme incommensurable, pétri d’orgueil, il n’hésite pas à insulter les généraux qui se battent sur le front russe et qu’il rend responsable des revers subis par la Wehrmacht. Ce qui ne l’empêche pas de « faire dans sa culotte » chaque fois qu’il est l’objet des colères d’un Hitler complètement hystérique.

Alors que l’Armée rouge est entrée à Berlin, il cherche à ouvrir des négociations avec les Alliés, pensant qu’il est l’homme de la situation. Arrêté en mai 1945, à défaut de Goebbels et Himmler qui ont opté pour le suicide, Goering est le premier à s’asseoir sur le banc des accusés du tribunal de Nuremberg. Sans perdre de sa superbe, il tente d’organiser la défense collective de la vingtaine des nazis arrêtés, tentant désespérément d’ériger Hitler en mythe. Mais Speer se désolidarise et au fur et à mesure que les témoignages prouvent l’ampleur des crimes ordonnés par le Führer, son image de futur martyr du national-socialisme se dégrade. Second homme du Reich, il ne bénéficiera d’aucun clémence de la part de ses juges. Condamné à la pendaison avec neuf de ses acolytes, il se suicide en absorbant une capsule de cyanure, car « pour l’honneur de l’Allemagne, le Reichsmarschall doit mourir comme le grand Hannibal. » Les dépouilles seront incinérées dans un crématorium de Munich et les cendres seront dispersées dans un affluent de l’Isar.

Cette biographie de Hermann Goering, première du genre en français, haute en couleurs et riche en enseignements, rédigée en toute impartialité, ne pourra que séduire les lecteurs soucieux de connaître le parcours d’un personnage qui a marqué le destin de l’Allemagne du sceau de l’infamie et de la honte. L’écriture fluide, le style de qualité facilitent favorablement la lecture et les cartes parsemant les pages apportent un éclairage intéressant sur l’opération Barbarossa.
Nul doute que cet ouvrage signé par François Kersaudy mérite largement de figurer dans les coups de cœur.

Corinne Micelli


800 pages, 15,7 x 24,2 cm, couverture souple

Coup de cœur 2010 des aérobibliothécaires

– Ce titre est également disponible dans la collection Tempus.

En bref

Éditions Perrin

ISBN 978-2-262-02617-2

Coup de cœur 2010
27 €