Le mot Zeppelin évoque en priorité les LZ 127 « Graf Zeppelin » et LZ 129 « Hindenburg », les deux dirigeables géants de l’entre-deux guerres. La lecture de ces seuls matricules permet de s’apercevoir qu’ils sont quasiment les derniers d’une longue lignée de plus d’une centaine d’aéronefs.
Les écrits en français concernant l’usage des (nombreux) zeppelins pendant la Grande Guerre sont suffisamment rares pour que l’on s’intéresse à celui-ci. Le Kapitänleutnant* baron Horst von Buttlar-Brandenfels fut capitaine de zeppelin entre 1914-1918. Son livre, initialement intitulé Zeppeline gegen England* parut en Allemagne en 1931, puis en français aux éditions Payot en 1932 sous le titre « Les Zeppelins au combat ». Sans doute l’éditeur français souhaitait-il faire preuve de diplomatie, mais ce titre en allemand aurait pu laisser entendre une certaine hargne agressive de la part de son auteur, ce qui n’est absolument pas le cas. Certes, ce ne sont pas des fleurs ou des douceurs que von Buttlar lança sur l’Angleterre, mais bien des bombes. Néanmoins, on ne perçoit de l’animosité vis-à-vis de cet ennemi que dans deux pages dans lesquelles est évoqué le geste fort peu honorable du capitaine du chalutier britannique King Stephan qui annonça par porte-voix aux membres de l’équipage du L-19 en train de sombrer qu’il les laisserait se noyer. A contrario, le court chapitre « Un exploit audacieux de l’ennemi » est un hommage respectueux aux hardis aviateurs anglais qui, venus détruire les zeppelins par bombes, se sont abstenus de « semer la mort dans la garnison » (sic) à l’aide de leurs mitrailleuses.
Cet ouvrage donne une vision captivante et peu commune des missions de guerre des zeppelins, qui ne limitèrent à pas des bombardements de l’Angleterre : surveillance maritime, et même tentative de ravitaillement de la colonie allemande située dans de sud-ouest africain (actuelle Namibie). Quantité de détails et de précisions émaillent ce livre : les conditions terribles qui régnaient à bord de la nacelle ouverte (jusqu’à – 35 °C !), la fragilité et la faiblesse des moteurs, le rôle prépondérant de la météo, le risque permanent d’incendie fatal*…
Par vingt-deux courts chapitres et une conclusion, von Buttlar nous fournit un panorama très varié de la vie et des actions des équipages de zeppelins pendant la Grande Guerre, y compris par des narrations de bamboches émaillées de quelques blagues (« Le club des violettes »), une évocation cocasse d’une invention farfelue, ceci venant contrebalancer des chapitres plus prenant ou plus dramatiques, guerre oblige ! Notons la présence de deux annexes sous forme de tableaux, l’un consacré aux caractéristiques des quatorze types de zeppelins de la Grande Guerre, l’autre la liste de ceux qu’utilisa la Kaiserliche Marine* entre 1914 et 1918. La conclusion est évidemment celle d’un apôtre convaincu de l’usage du dirigeable ; mais ce livre a été écrit en 1931, c’est-à-dire peu après la tragédie du R101 britannique, mais bien avant la catastrophe du LZ 129 « Hindenburg » à Lakehurst en 1937, laquelle sonna définitivement le glas de ces grands dirigeables qui frappent encore l’imagination.
Philippe Ballarini
176 pages, 15,5 x 24 cm, couverture souple
0,315 kg
* Kapitänleutnant ≈ Hauptmann ≈ capitaine
* Zeppeline gegen England : litt. « Des zeppelins contre l’Angleterre »
* Les zeppelins étaient gonflés à l’hydrogène, gaz hautement inflammable.
* Kaiserliche Marine : Marine impériale allemande (1871-1919)
NDLR : Nous avons pour habitude typographique de ne pas appliquer la marque du pluriel aux noms d’aéronefs (exemple : des Dassault Mirage III). En revanche, nos dictionnaires nous indiquent que lorsqu’il désigne un dirigeable ayant été fabriqué par la société du comte von Zeppelin, le mot « zeppelin » est désormais en français un nom commun.