Deuxième d’une série de trois recueils, cet ouvrage est la retranscription des carnets de guerre de l’aviateur allemand Alfred Kuermann, de Maubeuge à Noyon, au printemps 1918.
Volontaire peu après le déclenchement des hostilités en 1914, Alfred Kuermann est versé à sa demande dans l’artillerie. Profondément patriote, il débute sa vie de combattant comme canonnier à la 5e batterie du régiment d’artillerie de campagne de la 15e division de réserve. Il participe à la bataille de Champagne au cours de l’hiver 1914-1915. De Gefreiter à Unteroffizier , il est promu Vizewachtmeister dès septembre 1915, un titre réservé aux volontaires d’un an, mais qui lui permet de remplacer un Wachtmeister dans certaines fonctions. Trois mois plus tard, après une formation d’officiers de réserve en Belgique, il rejoint le 15e RAC de réserve qui stationne au Chemin des Dames, « désespérément calme » à cette période. Son unité ayant subi de lourdes pertes, il est nommé rapidement au grade de Leutnant. Tandis que les mois passent, il ronge son frein, espérant partir pour Verdun. « Le Chemin des Dames était devenu presque notre patrie éternelle où notre inactivité complète devenait pour nous une véritable misère qui incitait à verser des larmes », note-t-il dans ses carnets. Fin octobre 1916, son unité reçoit l’ordre tant attendu de plier bagage pour se diriger, non pas sur Verdun, mais sur le front de la Somme. C’est au vu d’un combat aérien dans le ciel de Fouquescourt que Kuermann décide de devenir à son tour aviateur.
Convoqué dès février 1917 au parc d’aviation de la 2e armée à Aulnoye, il reçoit enfin sa formation de base d’observateur. Il effectue divers stages de formation avant d’intégrer l’escadrille saxonne A 226 qui évolue en Champagne. Kuermann va alors participer à l’offensive allemande du 21 mars 1918, qu’il surnommera la « Grande bataille de France ».
C’est à cette date que débute le deuxième recueil traduit par le docteur Hermann Plote. Jour après jour, heure après heure, voire minute après minute, Kuermann consigne rigoureusement ses actions et fige sur pellicule les images qui défilent sous ses yeux. Ces photographies aériennes se révèlent être un atout précieux permettant d’étayer ses observations devant une hiérarchie souvent méfiante ainsi que le constate l’observateur : « L’officier m’a alors lancé un coup d’œil incrédule, m’a fait répéter le message, secouant la tête et déclarant : « Impossible ! Cela ne peut pas être ainsi ! Vous avez dû vous tromper ! » […] J’ai immédiatement nié avoir commis une erreur et j’ai crié : « Mon capitaine, mais j’ai vu vos soldats de mes propres yeux sortir du talus et monter sur la digue ! De moins de 50 mètres d’altitude. Une erreur est exclue ! Je les ai même photographiés ! Dans une heure, vous pourrez vous laisser convaincre de la justesse de mon message en regardant le cliché ! Je vous prie bien respectueusement de me croire dès maintenant ! » Le récit d’Adolf Kuermann prend fin avec l’échec du Mont-Renaud, (en fait une victoire française). Dans ses dernières lignes, l’homme perce sous le guerrier combatif ; il prend conscience de sa solitude en faisant le décompte du nombre de ses camarades disparus et celui des survivants qu’il est obligé de quitter pour intégrer l’escadrille 23, basée à Ham, sur ordre du commandement de l’aviation de la 18e armée .
Cet ouvrage possède une valeur historique inestimable en raison de la rareté des écrits d’aviateurs observateurs à cette période. Les nombreuses illustrations complètent et confirment les descriptions précises d’un homme qui laisse à la postérité un témoignage authentique de la Grande Guerre, qui vue du ciel, n’est pas celle des hommes qui survivent dans les tranchées. Le lecteur y trouvera une foultitude de détails sur les missions d’un observateur et l’historien une source intéressante de recherche sur les lieux survolés par la reconnaissance aérienne ennemie.
Un recueil à classer dans votre rayon « Histoire de la Grande Guerre », relatée par un combattant allemand, d’une façon sobre quoique légèrement emphatique, propre à la littérature militaire de ce début de XXe siècle.
Corinne Micelli
96 pages, 16,5 x 23,5 cm, couverture souple
– Traduction Hermann Plote