Le double sens dans le titre de cet ouvrage est bien trouvé, un mécanicien d’aviation de la première moitié du XXe siècle œuvrant à l’ombre des moteurs en étoile comme dans celle des pilotes lorsque ces derniers brillent comme des stars dans la lumière des projecteurs.
Or, il s’agit bien de l’histoire des 50 premières années de l’aviation vues par les yeux d’un mécanicien, un jeune provincial qui se retrouve à 15 ans à travailler sur les premiers moteurs d’avion, et qui découvre une passion qui ne le quittera plus. Présenté en deux tomes de 344 pages chacun, voici un livre remarquable, une grande épopée du monde aéronautique de 1905 à 1955, mais aussi une grande saga ouvrière de ces années-là, comme la télévision savait si bien nous en proposer il y a une trentaine d’années, et comme on en trouve encore parfois. Mais ce livre est un roman. Son héros, Félix Marveix, est imaginaire. Cependant la reconstitution paraît si fidèle qu’on a du mal a réaliser qu’il n’a pas existé.
Il faut dire que le procédé scénaristique est très cinématographique. Il y a un peu de « Sur la route de Madison » dans le ressort narratif de lettres retrouvées et d’un journal reconstitué, puis une frénésie à la « Forrest Gump » dans les rencontres que fait notre héros au cours de son existence.
Le premier, un simple d’esprit américain qui ne songeait qu’à courir, rencontrait Elvis Presley, John Lennon, John Kennedy, Lyndon Johnson, Richard Nixon et tant d’autres. Ici un simple mécanicien qui aime courir le Monde croise son destin, et souvent se lie d’amitié, avec Daurat, Codos, Reine, Vanier, Maryse Bastié, Mermoz, St Ex, Guillaumet, Amélia Earhart ou les féministes Alice Clark et Louise Weiss, ainsi qu’une dizaine d’autres personnages légendaires, rien que pour ce tome 2. Cours, Félix, cours !
Raconter une vie, c’est aussi parler des naissances et des décès qui l’accompagnent, des liens familiaux, des amitiés ou des relations amoureuses, ici racontées avec pudeur mais sans mièvrerie.
Le texte est bien écrit, et on réalise qu’un soin particulier a été apporté aux temps de narration, imparfait, passé simple, futur antérieur selon les circonstances. Tout au plus retrouve-t-on parfois une phrase répétée à quelques pages d’écart. On sent également que la recherche documentaire a été très poussée. Les puristes relèveront de rares petites erreurs ou anachronisme, parler « d’études centrées sur les nouvelles technologies » en 1934 (page 129) ou de « voler plus vite que le son avec des moteurs à réaction » la même année. De même, en 1937, le Messerchmitt Bf 109 est encore loin d’être équipé d’« un moteur Jumo de 1200cv », ni le Spitfire de disposer de 1450 cv (page 188). Enfin l’ENAC n’était pas installée à Toulouse en 1958 (p339) mais à Orly, et Sigmaringen n’est pas en Prusse Orientale (p313), mais en Bade-Wurtemberg, ce qui est quand même moins loin pour y exiler Pétain.
Si l’ouvrage est publié en deux tomes car le total aurait demandé sans cela près de 700 pages, il paraît évident que le lecteur devra se procurer les deux volumes s’il veut comprendre le début de l’histoire. Si vous tombez sur cette recension du deuxième tome sans être passés par la case « Départ », nous ne pouvons que vous conseiller de lire le premier tome pour commencer.
Et cette histoire est passionnante ! Cours, Félix, cours !
Jean-Noël Violette
352 pages, 14,7 x 21 cm, couverture souple
0,477 kg