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À quoi tient la vie…

Albert Pestre

Deuxième édition

À quoi tient la vie est un récit autobiographique intéressant au plan historique et touchant par la sensibilité qu’il dégage. Albert Pestre, né en Algérie en 1924 et ancien élève de l’École de l’Air (promotion AFN 1943), nous fait partager ses émotions de pilote de bombardement et de transport dans des situations parfois périlleuses, et sa nostalgie pour une Algérie tant aimée. Ce beau pays quitté à regret, avec le sentiment coupable d’un chantier inachevé, donne lieu à de nombreux développements qui tentent d’expliquer l’inéluctable naissance d’un état, si peu aidé par l’ancienne puissance coloniale, et ses difficultés économiques actuelles faisant le lit de l’islamisme le plus radical.

Une analyse, pleine de retenue, de son histoire avant et pendant la Seconde Guerre mondiale, puis des émeutes de Sétif de mai 1945 au putsch des généraux de 1961, jusqu’à l’Indépendance en 1962, permet de mieux comprendre la montée en puissance de la crise algérienne jusqu’à son dénouement. Avec un sentiment de déchirement et beaucoup de regrets, l’auteur conteste avec sérénité la politique du général de Gaulle pour sortir de la crise, avec les conséquences dramatiques qui s’en suivirent. Plus de 3000 Pieds-noirs furent massacrés, ainsi que de nombreux Harkis, dont 70 000 payèrent cher leur fidélité à la France sans que les survivants ne soient pour autant bien accueillis en métropole.

Le récit revient sur une enfance heureuse en Algérie, où son père directeur d’école et sa mère institutrice participent activement à la présence française jugée positive pour l’éducation, et la santé. Souvent, il est le seul élève européen parmi les petits Arabes dont il partage tous les jeux. Une chronique amusante de la vie locale visite Tlemcen et ailleurs : Ramadan, mariage traditionnel, chéchias, gandouras et burnous… et se termine par le Débarquement des Alliés en Afrique du Nord en novembre 1942, où l’auteur prend part à la Résistance.

Il prépare le concours de l’École de l’Air en 1943, loin d’une Alger submergée de troupes et parfois attaquée par les avions de l’Axe. La classe préparatoire militaire, en uniforme du 4e RTA avec punaises, pain rassis, froideur extrême l’hiver, rappelle que tout n’est pas rose pour accéder au ciel, pas plus qu’à l’École de l’Air de Marrakech où la formation militaire s’apparente à un « bahutage » permanent. Un premier contact difficile avec les filets d’air sur un Douglas DB-7, avec un crash dont il est le seul survivant, clôt une phase initiatique où il réussit à s’extraire miraculeusement d’un avion en feu… ce qui lui donne confiance en sa bonne étoile et justifie le titre de son livre. Il débarque aux États-Unis le jour de ses 20 ans pour sa formation au pilotage : un stage de dix-huit mois dans pays de cocagne et novateur dont à son sens on devrait s’inspirer.

Affecté en Indochine en mars 1946, dans une unité de transport sur JU-52 puis sur DC-3, il met en application sa jeune expérience aéronautique acquise sur B-25 Mitchell et B-26 Maraudeur. Il passe trente-deux mois en opérations difficiles : mauvais temps, cartes imprécises, moyens de radionavigation inexistants, relief dangereux, percées hasardeuses, pannes en vol, crashs… et le feu de l’adversaire en plus. Les missions sont variées au groupe « Anjou » : transports vers la métropole, parachutages, largages et aérotransports de tous ordres, ravitaillement des postes isolés en nourriture et munitions, seul ou par vagues, lors d’opérations aéroterrestres combinées aux noms évocateurs : Léa, Papillon… L’appui aérien des Spitfire de la chasse n’empêche pas les mauvaises surprises et de regrettables pertes. Tonkin, Laos, Vietnam Nord et Sud, toutes les zones sont concernées par ces vols risqués depuis Saïgon où il fait si bon vivre. Les équipages sont surmenés pour des missions harassantes et denses dont beaucoup hélas ne reviendront pas…

Une deuxième affectation en Indochine précèdera un second passage aux États-Unis comme officier de liaison, avant la fin d’une vie opérationnelle bien remplie en Algérie. De quoi se reposer la question éternelle du rayonnement de la France dans le monde et de sa grandeur… un point de vue intéressant d’un véritable acteur d’une période agitée entre 1939 et 1962.

R.Feeser


414 pages, format 210 X 145 mm, couverture souple


– Préface du général François Maurin,
ancien chef d’État-major des Armées

En bref

Société des Écrivains

ISBN:2-7480-2675-6

21 €