Fils d’un soldat mort dans les tranchées, Hans décide de réinventer l’histoire : pour qui veut l’entendre, le voilà héritier d’un glorieux pilote de chasse. Au fil de ces années 20 et 30 riches en propagande où les états eux-mêmes réécrivent leur passé, ce mensonge initial l’amène à suivre les traces de ce père fantasmé en apprenant à piloter puis en rejoignant la Luftwaffe.
Pour ce premier tome allemand de la série double Adler/Eagle, Patrice Buendia fournit un scénario rythmé et varié, passant d’un drame familial au portrait d’un arriviste nazi en s’attardant sur les débuts des persécutions des Juifs et l’influence des comics et du cinéma sur la jeunesse. Certains rebondissements sont un peu brutaux, en particulier le revirement de Hans à propos des Wisberg, et l’on peut être déstabilisé par le choix de conter l’histoire d’un personnage profondément antipathique, mais c’est globalement intéressant et bien construit.
Une mise en page parfois dense, parfois aérée,
et des couleurs soignées rendent la lecture agréable.
Au pinceau, Damien Andrieu offre un dessin semi-réaliste assez réussi, aux personnages expressifs et à la mise en page aisée, malgré quelques perspectives un peu approximatives. La gestion des couleurs est une des grandes qualités de l’album : les palettes ses succèdent au rythme des changements de séquence et certains décors sont de véritables peintures. On s’étonnera tout de même qu’en page 26, et uniquement là, la mère de Hans ait les yeux vairons !
Dans l’ensemble plutôt réussi malgré quelques maladresses ponctuelles, ce récit pourra séduire les amateurs d’entre-deux-guerres et ceux qui s’intéresseront à ce héros franchement détestable.
Un petit mot pour finir sur l’inévitable parallèle avec l’histoire de James, initiée dans la série-sœur Eagle. Sans déflorer la dernière planche, disons que l’idée est intéressante et que nous sommes impatients de voir quelle sera la suite. En revanche, la différence de tonalité entre les deux narrations est très marquée et un peu étonnante : Buendia fournit un récit historique à la progression régulière, Wallace narre les relations d’un père et de son fils en sautant allègrement d’une époque à une autre. Les deux premiers tomes sont donc amenés à se lire indépendamment et se répondent finalement fort peu.
Franck Mée
48 pages, 24 x 32 cm, relié
0,585 kg
– La collection « L’aigle à deux têtes »
Avec l’aimable autorisation des
© Éditions Zéphyr