« Juste pour voir les macchabées de la cordillère des Andes », avait-t-elle répondu à René Caudron qui refusait de la laisser partir outre-Atlantique. Mais personne ne retient Adrienne, tout directeur qu’il soit. 1er avril 1921 : l’exploit que vient d’accomplir Adrienne Bolland en traversant cette fichue cordillère qui a englouti tant de cadavres s’étale en une de la presse internationale Toute la presse sauf les journaux français ! En cause, la date choisie par l’aviatrice pour se lancer à l’assaut d’une chaîne de montagne infranchissable jusqu’alors. Caudron n’y croit pas car il sait qu’Adrienne Bolland est un électron libre, une battante qui a su faire sa place au sein des instructeurs et des mécaniciens de l’école Caudron du Crotoy. Une fois le brevet en poche, elle décide de n’en faire qu’à sa tête. Elle tutoie Caudron et les glorieux aviateurs sortis indemnes (ou presque) de la Première guerre mondiale, balayant d’un revers de main les contraintes et les qu’en-dira-t-on. Dès lors, plus rien ne semble arrêter son imagination fertile toujours à la recherche d’un défi. Elle participe aux plus prestigieux meetings aériens aux côtés de René Fonck dont personne à l’époque n’ignore qu’il fut l’as des as de l’aviation militaire, de Nungesser, de Barny de Romanet, de Casale, de Sadi Lecointe et de Pierre Brossolette. Le Paris des années vingt est à la mesure du tempérament volcanique d’Adrienne qui s’adonne à tous les plaisirs qu’offrent ces années folles.
Cette femme libre dans ses paroles et ses actes traversera le XXe siècle en menant ses propres combats, militant pour la cause féminine et s’engageant en Résistance sous le régime de Vichy. Elle oubliera tout simplement de se réveiller à 80 ans après avoir assisté au jubilé de sa première bataille chilienne.
Coline Béry nous offre une biographie intéressante, bien détaillée et agréable à lire. Une belle plume, incisive et alerte. Dommage toutefois que le rythme s’essouffle en seconde partie en raison d’un survol trop rapide des activités hors aviation de cette femme en tous points remarquable qui méritait largement d’être mise à l’honneur.
Corinne Micelli
336 pages, 14 x 20,5 cm, couverture souple
0,339 kg
– Présentation par Pierre Bellemare
NDLR : Le livre de Coline Béry n’est pas exempt d’imprécisions historiques. Voici ci-dessus une note infrapaginale pour le moins croquignolette (page 271) :
– 1927 est la date de création de l’Aéropostale, pas celle de sa cession.
– L’Aéropostale n’a pas été vendue à la Lufthansa : elle a été absorbée par la compagnie Air France en cours de création (1933).
– La Lufthansa n’a jamais racheté l’Aéropostale.
– La Lufthansa n’a pas été créée par des banquiers : elle est née en 1926 de la fusion de la Junkers Luftverkehr et la Deutsche Aero Lloyd.