Le développement du B-17 Fortress repose sur un mensonge et deux illusions.
Le mensonge, c’est de faire croire à tout ce qui est extérieur à l’Air Corps qu’il ne s’agit que d’une arme purement défensive, alors que ses stratèges élaborent une doctrine fondée sur la pénétration profonde en territoire ennemi afin d’en détruire le potentiel industriel et de saper la volonté de la population à poursuivre les combats. Mais en cette époque d’isolationnisme et de budgets serrés, c’est, pour ainsi dire, de bonne guerre.
Les deux illusions, en revanche, seront bien plus dangereuses et coûteront très cher en matériel et en vies humaines. Elles consistent à imaginer que des formations de « forteresses volantes » peuvent survivre dans un environnement hostile et que, grâce à la précision de leur bombardement, elles sont capables de traiter un objectif en une seule fois sans besoin d’y revenir.
Les douze premiers mois de la guerre démontrent que, en effet, le B-17 est un avion robuste, difficile à abattre par des chasseurs japonais qui n’ont jamais été conçus pour contrer une telle menace. La RAF, qui fait face à une aviation de chasse plus puissamment armée et organisée, aura une vue très différente des choses… comme la Eighth Air Force ne tardera pas à le constater par elle-même. Cependant, le trop faible nombre d’avions engagés, souvent dans les pires conditions, ne permet pas de tirer la moindre conclusion sur son efficacité.
Toutefois, au moment où volent les premiers B-17, le seul et unique souci de l’Air Corps, c’est que cet appareil, dont il a absolument besoin pour prouver le bien-fondé de sa stratégie, parvienne à survivre à l’acharnement combiné de l’Amirauté et du ministère de la Guerre, bien décidés à avoir sa peau, chacun pour ses propres raisons.
Le Boeing B-17 Fortress rejoint ainsi au panthéon des avions mythiques de la Seconde Guerre mondiale, tous ceux, qui, comme le P-51 Mustang, le Spitfire et le Bf 109, ont failli ne jamais exister – alors que lui, en plus, a bien failli disparaître en cours de route sous les coups de boutoir de la Luftwaffe.
Le premier tome de cette étude en deux parties s’arrête fin 1942 et entraînera le lecteur des couloirs feutrés de Washington aux édens tropicaux des îles Salomon, en passant par d’autres sites enchanteurs comme la plage de surf de Waikiki (Hawaii), la bananeraie de Del Monte (Philippines), la marina de Port Moresby (Nouvelle-Guinée) et le ciel paradisiaque de l’est de l’Angleterre. Que des cartes postales idylliques… si les moustiques, la malaria, la dysenterie, les sangsues, les Zéro, les Messerschmitt et la Flak ne s’étaient pas invités sur la photo !
Sommaire :
– Chapitre I
La grande illusion
Une forteresse défensive
– Chapitre II
On His Majesty’s Service
Une forteresse pleine de courants d’air
– Chapitre III
Vent de panique sur le Pacifique
Une forteresse culbutée
– Chapitre IV
The « Big Ass Bird »
Une forteresse renforcée
-Chapitre V
Une guerre de sans-culottes
Les forteresses des mers du Sud
– Chapitre VI
Indiens et grosses bagnoles
Forteresses sur l’Europe
Communiqué de l’éditeur