Avec Air Forces Vietnam, les éditions Zéphyr se lancent dans le deux-en-un : vous achetez en même temps une bande dessinée en 46 planches et un livret documentaire de 80 pages. L’ensemble coûte moins cher que s’il fallait acheter la BD et le livre séparément, et le concept est original, ce qui est toujours un bon point sur un marché où les références se multiplient.
La bande dessinée, scénarisée par « Wallace » et dessinée par « Cash » (pseudo de Julien Lepelletier, illustrateur bien connu qui propose ici son premier album de BD classique), est globalement de bonne facture. On connaît le talent du dessinateur pour tout ce qui touche à l’aéronautique ; le découpage est assez dynamique et la mise en couleurs, teintée de pastels, détonne agréablement dans la tendance actuelle aux teintes sombres et tranchées. Il faut aussi impérativement noter le flash-back en noir et blanc, d’une beauté et d’un dynamisme certains. On retrouve donc un vrai travail d’illustrateur, même si les plus critiques noteront parfois un manque d’expressivité des visages.
Nous n’aurons hélas pas autant de compliments pour le scénariste. Dès les premières planches, on note un certain nombre de poncifs ― la rivalité entre héros brun et anti-héros blond, éculée depuis Top Gun ; le héros fils d’un pilote mort en héros dans la guerre précédente qui doit vivre avec cet héritage… Plus gênant sans doute, le manichéisme généralisé sépare clairement la bande du héros (gentils, arrangeants et consciencieux) et celle de sa Némésis (arrogants, racistes et obsédés par leur rivalité). Seul un mécano vaguement ambigu est présenté au début, mais il rejoint rapidement un camp et s’y tient.
Quant à l’ouvrage concernant l’aéronavale américaine au Vietnam, nous aurons au moins un gros reproche à lui faire : n’était-il pas possible de le relire avant de le publier ? Nous avons trouvé en moyenne près d’une faute d’orthographe ou de grammaire par page, sans compter quelques petits détails de traduction et un gros bug de calcul (d’après le texte, 52 Vigilante sont transformés en appareils de reco, 12 directement construits comme tels, mais seuls 59 sont produits au total !).
Dommage, car à côté de ces petits soucis, l’ouvrage est assez intéressant, apportant un éclairage plus factuel et une perspective historique et tactique sur une guerre que l’on connaît surtout à travers les nombreux films américains qui l’ont racontée ; les techniciens apprécieront aussi l’évolution du FH au F-4, illustrant les petits tâtonnements des ingénieurs de l’époque.
Reste la question ultime : est-ce une bonne idée d’assembler ainsi une BD, œuvre généralement dédiée au divertissement, et un ouvrage documentaire ? Théoriquement, la bande dessinée devrait être proposée seule pour les amateurs de BD (14 €), mais seule la version avec documentaire se trouve dans les grandes enseignes et son tarif peut rebuter les purs bédéphiles : 20 €, pour un volume dont il ne liront qu’un gros tiers…
Franck Mée
136 pages, 24 x 32 cm, reliure cartonnée
Les albums de la collection Air Forces Vietnam
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