Coincées entre les débuts « héroïques » des premières compagnies aériennes françaises d’une part, et le réel démarrage après 1945 du transport aérien moderne tel que nous le connaissons aujourd’hui, les douze premières années de l’existence d’Air France ont souvent été rapidement survolées – hormis quelques beaux numéros d’Icare, notamment, trop d’auteurs n’en retenant que certains événements spectaculaires au premier rang desquels on retrouve immanquablement la disparition de Jean Mermoz aux commandes du Latécoère « Croix du Sud ». L’ouvrage de Bruno Vielle est donc une initiative particulièrement bienvenue pour combler cette lacune en révélant une histoire riche et complexe.
Si la création d’une compagnie aérienne nationale unifiées fut une décision politique forte soutenue par le ministre de l’Air Pierre Cot, la situation technique et financière des entreprises de transport aérien plus ou moins contrôlées par les constructeurs français ne laissait guère d’autre choix possible : aux effets de la crise économique mondiale s’ajoutait des flottes hétéroclites et périmées, reflet de la situation aussi peu brillante de l’industrie aéronautique française dont les piètres performances des produits étaient masquées par les importantes subventions accordées par l’État, combinées à quelques vols de record spectaculaires mais sans signification réelle.
On ne sera pas surpris dans ces conditions que l’auteur ait pris le parti d’insister sur la lente amélioration de la flotte de la nouvelle compagnie, ce que reflète l’iconographie de l’ouvrage, largement constituée des portraits de ces appareils, mais on trouvera également l’évocation des grandes étapes politiques et diplomatiques qui jalonnent la période étudiée.
Sujet certainement encore moins connu de bien des lecteurs – bien qu’une fois de plus Icare ait en partie abordé le sujet, les derniers chapitres évoquent l’histoire chaotique des réseaux de liaison reconstitués après la défaite de 1940, tentant de relier quelques villes en métropole comme dans l’empire colonial, d’abord sous l’égide du gouvernement de Vichy, avant que la France Libre ne créé elle-même ses propres services au côté des Alliés.
On tient donc ici un très bon petit ouvrage qui se veut davantage une chronique de ces années troublées plutôt qu’une analyse exhaustive du sujet. Il reste que nous pourrons regretter malgré tout que l’état global du transport aérien n’ait pas été mieux abordé, tout comme une analyse plus précise des performances de tous ces appareils cités. Nous touchons là une des principales difficultés à rendre compte de nos lectures : peut-on faire le reproche à un auteur de ce qu’il n’a pas évoqué ?
Laissons la réponse au lecteur qui prendra sans aucun un grand plaisir à parcourir le travail de Bruno Vielle.
Pierre-François Mary
160 pages, 24 x 27 cm, relié
212 photos N&B et couleur
1,022 kg
Préface de Pierre-Henri Gourgeon