À une époque où les satellites artificiels sont devenus tellement communs que leur lancement et leur mise en orbite n’ont même plus les honneurs de la presse, maintenant que les noms de Spoutnik et de Youri Gagarine commencent à s’effacer des mémoires, il n’est pas si étonnant que celui d’Alexandre Ananoff n’évoque rien pour le grand public. À dire vrai, Ananoff n’a pas été oublié : il n’a jamais été très connu, en dépit de ses travaux sur l’astronautique. Le terme « astronautique » étant lâché, venons-en à l’étonnant sous-titre L’astronaute méconnu. Méconnu, certes, mais astronaute, vraiment ? Ananoff ne figure pourtant pas sur la liste des heureux élus qui ont pu voir la Terre depuis l’espace; Ce terme est donc à prendre avec une autre acception: « l’un de ceux qui, bien avant Gagarine, ont travaillé a asseoir les bases de l’astronautique ou contribué à son essor. » Ainsi se définit lui-même Alexandre Ananoff dans son livre « Les mémoires d’un astronaute » (Paris 1978).
Esprit original et fécond, marchant sur les traces de Tsiolkovski avec qui il correspondit, Ananoff se posa en promoteur de la recherche visant le voyage dans l’espace. Il consacra la plus grande partie de son existence à cette activité et ne fut pas toujours pris très au sérieux, et fut même parfois considéré comme un fantaisiste.
C’est l’histoire de ce précurseur qui nous est narrée dans cet Alexandre Ananoff, l’Astronaute méconnu, par deux spécialistes de l’histoire de la conquête spatiale, Pierre-François Mouriaux et Philippe Varnoteaux, lesquels s’emploient ici à raviver sa mémoire. C’est certes fort intéressant et l’on comprendra aisément l’attrait qu’a pu exercer Ananoff sur les deux auteurs, mais la lecture de l’ouvrage et de nombreuses citations laissent transparaître au fil des pages une quête perpétuelle de notoriété, voire de reconnaissance. Il n’est pas déraisonnable d’envisager qu’Ananoff ait été un personnage doué d’une intelligence supérieure, mais qui n’ait pas vraiment compris qu’il est rare qu’on soit reconnu prophète en son pays… et à sa propre époque. Il cessa d’ailleurs son activité « astronauticienne* » pour se consacrer à l’étude de l’histoire de l’art, se spécialisant dans les œuvres de Boucher et de Fragonard… avant de s’intéresser à l’organisation politique de la flibuste.
Pierre-François Mouriaux et Philippe Varnoteaux nous livrent donc la biographie d’un homme qui, en conclusion de ses mémoires, exprimait ce vœu : « …et que mes restes soient ensevelis sur la Lune, but de tous mes efforts » En fin d’ouvrage, on trouvera une longue bibliographie commentée, où figure même la mention des conférences et interventions radiophoniques ou télévisuelles d’Ananoff, ainsi que 29 pages de notes (que l’on aurait préférées infrapaginales. Ainsi donc, grâce aux deux auteurs, Alexandre Ananoff sort de l’ombre dans laquelle il était plongé, et devient donc moins « méconnu ».
Philippe Ballarini
* astronauticien : néologisme utilisé par Philippe Coué et qui peut paraître plus adapté qu’astronaute en ce qui concerne Ananoff.
228 pages, 14,8 x 21 cm, broché
0,465 kg
Plus de 100 illustrations dont de nombreux documents inédits
Cahier central couleur
– Préface de Claudie Haigneré
– Avant-propos de Charles Dobzynski
– Prix Aubinière 2013 de l’Institut français d’histoire de l’espace