Le héros principal de ce roman est le Sous-Lieutenant pilote Louis Charlier. Nous suivons ses pérégrinations juste après sa sortie de l’école de chasse et sa transformation sur bombardier léger bimoteur B-26 Invader, lors de son arrivée en escadrille en plein cœur de la Guerre d’Algérie. Nous suivons aussi son cheminement intérieur, entre son éducation chrétienne (tu ne tueras pas, l’amour du prochain), son devoir de soldat (tuer pour son pays, risquer de donner sa vie pour les autres), ses pulsions amoureuses (qu’est-ce que l’amour d’une prochaine ?), au milieu de camarades de combats et de virées qui n’ont pas forcément la même conception de ces principes ni les mêmes états d’âme. En toile de fond nous avons les « Opérations de maintien de l’ordre » (1) contre l’ALN (2) bien sûr, le drame des attentats qui peuvent toucher des proches, puis le basculement vers l’indépendance avec comme conséquence la constitution de l’OAS (3).
Le combat air-sol, pour Louis Charlier, c’est, au-delà de la peur physique, la peur d’échouer. C’est l’utilisation d’avions fatigués par déjà deux conflits, aux mains des Américains pendant la Seconde Guerre mondiale puis par les Français lors de la Guerre d’Indochine. C’est l’horreur du recours au napalm, dont le nom lui-même semble tabou et pudiquement remplacé par le doux euphémisme de « bidons spéciaux ».
L’ouvrage est bien écrit, dans une langue raffinée au vocabulaire recherché.
L’éditeur a dû hésiter avec un autre titre « Jeunes pilotes en guerre… » qui figure en 4e de couverture.
L’auteur, Germain Chambost, connaît bien son sujet car il a lui-même passé quinze ans dans l’Armée de l’air avant de devenir journaliste, pilotant notamment des B-26 pendant la Guerre d’Algérie, puis participant à deux campagnes d’essais nucléaires dans le Sahara. Les « Invader » sont le fil rouge de ce livre, et la future participation de certains pilotes aux essais des bombes atomiques est rapidement évoquée entre deux actions. On sent donc que si le récit n’est pas purement autobiographique, l’auteur a largement puisé dans les aventures de sa propre existence et dans son propre amour des livres.
Peut-être a-t-il aussi hésité un jour, entrer dans les ordres ou obéir aux ordres ?
En lisant ce livre, vous saurez que cela tient parfois au battement d’aile d’une hirondelle…
Jean-Noël Violette
Notes :
1) Opérations de maintien de l’ordre : pudique appellation du conflit en Algérie, qu’on se refusa longtemps d’appeler « guerre ».
2) ALN : Armée de Libération Nationale, bras armé du FLN (parti politique s’opposant à la présence coloniale française en Algérie), menant des actions de guérilla et de terreur.
3) OAS : Organisation de l’Armée Secrête, organisation politico-militaire française, défendant la présence militaire française en Algérie par tous les moyens, y compris les attentats.
176 pages, 15,4 x 24,1 cm, couverture souple
0,294 kg