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Allo la tour ?
Y’a un bœuf dans le cockpit !

Simon Hayot

Regards croisés : deux regards différents pour un même ouvrage.

Le commentaire de Frédéric Marsaly
Le commentaire de Philippe Ballarini


Que faire de sa vie quand on est un Martiniquais de 26 ans, passionné d’aviation et qu’on vient d’obtenir ses licences de pilote professionnel à Miami au milieu des années 70 ? Eh bien on rentre au pays aux commandes du DC-3 que l’on vient d’acheter à crédit pour se lancer dans la grande aventure du transport aérien !

À bord du « Mike Bravo » N841MB, l’auteur et sa drôle d’équipe — son copilote est un rêveur qui aime le tourisme et qui se trouve être incapable de voler en solo ! — sillonnent ensuite les Caraïbes en transportant à peu près n’importe quoi. Des fruits et légumes, des fruits de mer, mais aussi des ânes et des bœufs (d’où le titre tiré d’un appel radio absolument authentique), des chevaux de course, ou bien des bâtons de dynamite et leurs détonateurs. Et les aventures n’ont pas lieu qu’en l’air, le « Mike Bravo » n’est pas un avion particulièrement capricieux, mais entre les services vétérinaires, les douanes, les fournisseurs et les clients, les occasions de se mettre en colère ou d’inventer un plan pour éviter les problèmes ne manquent pas.

Simon Hayot peut se féliciter aussi d’avoir jeté son dévolu sur ce bon vieux Douglas vu sa propension à décoller en surcharge (et pas forcément petite, la surcharge), depuis des pistes déjà trop courtes. Avec un autre type d’avion, l’auteur n’aurait sans doute pas pris tous ces risques, ou il serait mort ! C’est donc avec un pincement au cœur compréhensible qu’il est obligé de revendre son avion après quelques années d’un cabotage intense, simplement parce qu’un règlement vient de changer pour les avions immatriculés aux USA.

La bonne idée du livre est de se concentrer sur quelques vols vraiment trépidants à bord du DC-3, sans que l’auteur n’encombre son récit de détails qui pourraient ralentir le rythme de ses aventures. Il n’est question ici que de son avion, de son métier et des rencontres qu’il entraîne… et de ses avanies. C’est dense, souvent très drôle, parfois tragique, mais c’est surtout extrêmement bien écrit. C’est aussi une plongée intime au cœur d’années un peu folles où il était encore possible de faire des trucs un peu dingues avec des avions pour essayer de gagner sa vie. Et puis, il y a les îles comme décors, leurs particularités, leurs habitants, leurs spécificités et leurs traditions, ce qui rajoute une petite touche de dépaysement pas désagréable pour les lecteurs métropolitains. Les lecteurs de Guadeloupe et de Martinique seront sans doute aussi touchés de découvrir une partie incroyable de leur histoire, pas seulement aéronautique, récente, et avec la manière s’il vous plaît !

Au dernier chapitre, Simon Hayot raconte très brièvement comment il a ensuite créé Air Caraïbes, puis Air Calypso, et comment une concurrence déloyale a fini par lui couper les ailes. Il a rejoint ainsi la longue liste des aviateurs-businessmen-aventuriers français que des fonctionnaires incompétents ou corrompus, souvent les deux, ont délibérément plantés. On retrouve là bien des symptômes qu’un autre aviateur-businessman-aventurier, Jean-Claude Brouillet, avait aussi succinctement évoqués, cette fois en Afrique, dans son célèbre livre L’avion du blanc. Même si l’auteur ne s’étend pas sur ce qui pourrait être une source d’amertume, il avoue continuer de voler pour le plaisir ; une passion, ça ne s’éteint pas comme ça.

Trépidant, coloré, étonnant, extrêmement plaisant à lire — une donnée importante pour un récit de plus de 350 pages — mais aussi drôle, édifiant, truculent même, ce bon moment de lecture s’achève avec l’idée d’envoyer un mot à l’auteur en lui demandant : « Des histoires dingues en plein ciel, vous en avez forcément vécues d’autres, alors si l’envie vous vient de les raconter aussi, surtout, ne vous en privez pas, ne nous en privez pas ! »

Frédéric Marsaly


L’écriture et la publication d’un livre de souvenirs aéronautiques sont des exercices périlleux dans lesquels l’auteur perd souvent des illusions… et l’éditeur pas mal d’argent. C’est en effet un pari hasardeux : le « grand public » craint de se noyer dans des termes trop spécifiques ou techniques, alors que les « aéromanes » auraient parfois tendance à ce méfier de ce genre d’ouvrage qu’il toisent volontiers avec un certain dédain. Force est de reconnaître que les uns et les autres ont pu parfois voir leurs craintes justifiées. Nous leur demanderons de mettre de côté leur méfiance : ce livre-là est d’un tout autre acabit.

Entre nous (ne le répétez surtout pas !), l’activité d’un aérobibliothécaire n’est pas toujours des plus guillerettes. Sauter d’une superbe (mais pesante) monographie du Schtroumpfschmitt 314 F-2/Trop. à un essai sur le bombardement stratégique en passant par l’histoire détaillée de l’aviation à Hussigny-Godbrange ou celle de la guerre aérienne syldavo-bordure, cela peut lasser le plus mordu d’entre nous. Et là, shazam ! Vous arrive un bouquin avec un titre qui vous intrigue et dont la couverture vous laisse entendre qu’il y a de l’originalité dans l’air, ainsi que du sourire et du soleil à l’intérieur.

Et puis quoi ! Fi de ce ton apprêté propre aux recensions, adoptons (exceptionnellement) la première personne du singulier. Je vais vous dire la vérité : j’étais enchaîné à mon banc de nage, tape en bouche* confortablement installé à mon bureau lorsque ma douce et tendre me demanda ce qui m’arrivait. J’étais positivement en train de rigoler tout seul dans mon coin à la lecture des aventures cocasses de Simon Hayot. Le matin même, j’avais emporté le livre dans la salle d’attente du médecin qui me vérifie régulièrement la pression des pneus et écoute si ma pompe à injection ne bat pas la breloque. Le toubib m’a trouvé tout sourire. Comprenant la raison de ma bonne humeur et très satisfait de mes facultés cardio-vasculaires, il émit l’hypothèse (très plausible) selon laquelle ce bouquin était un bon médicament. Ces deux anecdotes étant authentiques, je ne m’étendrai pas sur le contenu de l’ouvrage, d’autant plus que mon éminent collègue Fred l’a fait plus haut.

Précisons tout de même que les tribulations que nous narre Simon Hayot, pour cocasses qu’elles soient, sont frappées du sceau de la véracité*. Vous hésiterez parfois entre stupéfaction et hilarité, mais l’exotisme des situations ne manquera pas de vous charmer. Ajoutons à cela le fait que l’auteur dispose d’un authentique talent de conteur et que ces voyages aériens (et surtout les escales) aux Caraïbes feront entrer chez vous soleil et bonne humeur. Le seul danger : on a du mal à quitter ce livre et on a envie, comme l’ami Fred, d’écrire à l’auteur : « Hé Zanmi ! Ba nou dot encow !» (Hé, M’sieu ! Raconte encore ! )

Philippe Ballarini


* aux galères, quoi…
* la preuve, vous la trouverez dans le cahier de photos de 24 pages


350 pages, 15,4 x 24 cm, broché
cahier photos
0,620 kg


Prix Guynemer 2017




Une interview de Simon Hayot.
Le début de l’entretien est mâtiné de créole, mais à partir de la moitié, c’est tout à fait compréhensible par un quelconque francophone.

Allo la tour ?
Allo la tour ?

Survol de la rade de Pointe-à-Pitre
Avec l’aimable autorisation des
© Éditions Mareuil

Allo la tour ?
Allo la tour ?

Antigua : chargement des bœufs
Avec l’aimable autorisation des
© Éditions Mareuil

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Mareuil Éditions

ISBN 978-2-372540-22-3

24 €