En deux phrases, c’est l’histoire d’Angela, une pilote des WASP envoyée fin 1943 sur le « Hump », ce bout d’Himalaya au nord de la Birmanie sur lequel les Américains ont lancé un pont aérien pour soutenir l’armée chinoise. Elle va rencontrer un pilote des Burma Banshees, les Curtiss P-40 Warhawk qui escortent les avions de transports, se heurter à l’autorité mâle dans des bases qui n’ont pas l’habitude de voir des femmes, et mener son Douglas DC-3 à travers les pièges des montagnes gelées.
C’est le moment où un lecteur normal se dit qu’avec un « pitch » pareil, Angel Wings promet beaucoup de clichés et de rebondissements irréalistes. Le goût de Yann et Hugault pour les femmes aux formes généreuses fait également craindre l’overdose : si dans Le grand duc, des mêmes auteurs, Lilya n’avait rien de mieux à faire après un crash que de retirer sa combinaison pour s’offrir à Wulf, combien de fois allait-on voir notre héroïne succomber au charme de ses collègues masculins ?
Soyons honnêtes : ce premier tome n’est pas totalement exempt de clichés, les dialogues en particulier étant un hommage direct au cinéma d’aventures des années soixante. Mais Yann a cette fois pris garde à désamorcer les poncifs les plus évidents et, en particulier, le moment où l’un des pilotes tente de profiter d’Angela se retourne contre lui de la plus belle des manières — tout en permettant à Hugault de montrer que son souci documentaire, loin de s’arrêter aux avions, s’étend également aux sous-vêtements. Bien moins romantique que sa camarade du front de l’Est, Angela est là pour mener une mission (dont on ne sait pour levitra 10 l’heure pas grand-chose) et ne semble pas destinée à se laisser distraire par ses confrères, et franchement, c’est très bien comme ça !
Notre héroïne évolue bien entendu dans un environnement solidement construit, aussi bien sur le plan scénaristique que côté graphique. Le pont aérien du théâtre Chine-Birmanie-Inde n’est pas l’épisode le plus connu de la Seconde Guerre mondiale, mais c’est un des plus impressionnants : des avions non pressurisés passaient des cols à plus de 4 000 m d’altitude, dans des conditions météorologiques variables, risquant les attaques des chasseurs japonais de Birmanie, en se repérant à vue entre les montagnes. L’ambiance dure et vaguement fataliste (un vol sur 250 se terminait par la perte de l’avion) est bien rendue et le scénario est aussi bien mené que dans les autres œuvres de Yann, avec peut-être un petit quelque chose de plus maîtrisé en bonus. Le dessin de Hugault est comme à son habitude extrêmement soigné, des rivets d’un Nakajima Ki-27 aux poussoirs d’un Pratt & Whitney R-1830 en passant par forets, fauteuils d’osier, tenues et attitudes. Les choix de couleurs évoluent évidemment d’une planche à l’autre, évoquant avec succès aussi bien l’agressivité glaciale de la montagne que l’humidité poisseuse des moussons asiatiques.
Ce premier tome est donc fort prometteur, nous laissant entrevoir une nouvelle réussite d’un des duos de référence de la BD d’aviation actuelle.
Franck Mée
48 pages, 24 x 32 cm, relié couverture cartonnée
Les albums de la série Angel Wings
Avec l’aimable autorisation des © Éditions Paquet
Avec l’aimable autorisation des © Éditions Paquet
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