Paul « Bommer » Grahame est un soldat au service de Sa Majesté. Il a passé six mois en Afghanistan aux côtés du 2e Bataillon du Régiment Mercian en tant que JTAC, Joint Terminal Attack Controller. Cette spécialité, qui vaut à cet ouvrage de figurer logiquement dans l’Aérobibliothèque, confère à son détenteur la compétence et l’autorité pour guider les frappes des avions et hélicoptères envoyés en appui de son unité lors d’un engagement avec les talibans. La puissance de feu des aéronefs, chasseurs-bombardiers, gunships ou hélicoptères d’assaut s’avère si décisive qu’il devient une cible de choix pour les adversaires qui ont tôt fait le lien entre ces personnels un peu en retrait des patrouilles et l’arrivée des aéronefs de la coalition. Fantassin avant tout, le JTAC ne dispose pour son ouvrage que de sa radio, une bonne paire de jumelles, des cartes et bien sûr un fusil d’assaut SA80 que l’auteur a eu l’occasion d’utiliser à plusieurs reprises. Pas de désignateurs laser ici ; le repérage des cibles, parfois au contact des troupes amies, se fait à la voix, par coordonnées et en se référant aux spécificités du paysage. Et c’est efficace. Au cours de son séjour, l’auteur a été crédité de plus de 200 talibans tués au cours des frappes qu’il a commandées.
C’est là une des particularités de ce livre. Outre qu’il ne s’encombre d’aucune phase d’introduction, ni presque aucune baisse d’action, ce récit est terriblement précis et détaillé, au point qu’on se demande comment les services de renseignements ou de communication de l’armée britannique ont perçu cette publication. Alors que généralement tout document relatif à un conflit en cours est sévèrement débarrassé de nombreuses données, l’auteur et le journaliste l’ayant aidé à la rédaction de ces « souvenirs de campagne » n’hésitent pas à donner les noms des chefs de la rébellion islamique afghane tombés, sous les bombes alliées, sous sa responsabilité. Étonnant !
Étonnant aussi de lire cet enchaînement de combats absolument ininterrompus, prouvant par là même que les Britanniques ont été engagés dans des zones extrêmement dures, ce qui explique leurs pertes très élevées. Bizarrement, alors que le lecteur se retrouve en permanence plongé au cœur du combat, une certaine monotonie se laisse pourtant sentir. La répétition des schémas d’engagement y étant sans doute pour beaucoup : patrouille alliée, embuscade des talibans, appel aux renforts aériens, bombardement, débandade des insurgés, retour au bastion, ainsi se fait la guerre aujourd’hui !
Grâce à ce document, il est possible de comprendre comment travaille l’aviation alliée sur ce théâtre d’opération très particulier. F-15, F-16, A-10, Apache, Gunship, Harrier et Tornado sont au service des troupes au sol et elles peuvent être appuyées avec un arsenal invraisemblable. Si il peut paraître étonnant d’utiliser des bombes aussi puissantes, précises mais aussi coûteuses que des BGL ou des JDAM pour envoyer ad patres quelques insurgés armées de AK-47, vu du côté des soldats alliés cloués au sol par un feu nourri, ce point de vue devient tout à fait relatif, surtout quand le JTAC réclame des tirs précis alors que ses troupes sont véritablement au contact, au corps à corps, avec l’ennemi.
Sans être un livre d’aviation, ce témoignage direct et efficace éclaire avec une précision étonnante les missions de l’aviation en Afghanistan. C’est aussi une aventure humaine, même si l’auteur met peu ses impressions personnelles en avant. Il est rare de pouvoir lire un tel ouvrage alors que ces opérations sont encore en cours, et à ce seul titre, Appui-Feu en Afghanistan mérite d’être lu même si il porte un jugement assez négatif sur la seule intervention d’un avion français Mirage 2000 qu’il eut à diriger.
Frédéric Marsaly
320 pages, 15 x 23 cm, broché