En France tout au moins, le prénom « Ariane » évoque désormais davantage une fusée que la fille du roi Minos et son fil. Mais sinon le fait que cet élégant prénom soit porté par toute une famille de lanceurs spatiaux qui, d’Ariane 1 à Ariane 5 (bientôt 6), sont (et furent) le fer de lance de l’ESA*, il est le symbole d’une ambition spatiale européenne au cœur de laquelle, il faut bien l’admettre, la France et son CNES* ont d’emblée joué le rôle de pivot central.
Si le titre du livre Ariane est d’une clarté évocatrice, le sous-titre Une épopée européenne précise la structure de l’ouvrage. S’il présente l’intérêt d’évoquer la dimension européenne d’Ariane, il rappelle la dimension humaine et épique de cette indéniable réussite. Sans cocorico abusif, peut-être est-il bon de rappeler que dès le début des années 1980, la France s’engageait à financer les deux tiers du projet (sans parler des dépassements éventuels).
On notera que dans cet ouvrage de 256 pages, la fusée Ariane apparaît quasiment à mi-parcours. Cela signifie que la première moitié du livre est consacrée à la foisonnante histoire spatiale française et européenne depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu’aux années 1970. Et l’histoire qui mena des balbutiements des fusées françaises depuis l’immédiat après-guerre au premier tir d’Ariane 1* est d’une grande richesse, jalonnée de revirements, de changements de cap, voire de coups de théâtre n’ayant pas grand-chose à voir avec la technique spatiale. Et pour peu que l’on connaisse les soubresauts de la construction européenne, on subodore à juste titre une genèse particulièrement tourmentée. Cette première partie du livre est riche d’une histoire rarement détaillée dans un « beau livre » : celle des débuts des fusées françaises. Outre les inévitables « pierres précieuses », d’Agate à Diamant, William Huon rappelle les essais de Véronique et de Cora à Hammaguir (Algérie) puis à Biscarrosse, il évoque l’imbroglio Europa et les atermoiements dus à la cacophonie politique européenne.
Ce que nous pouvons présenter comme étant la seconde partie, celle qui est dédiée à Ariane à proprement parler, depuis l’abandon du programme Europa ne se résume pas à une simple énumération allant de 1 à 5 (et bientôt à 6). Tout comme la partie précédente, celle-ci fait la part belle — et c’est d’une grande logique — au domaine de la politique (le plus souvent internationale). Bien entendu, cela ne signifie pas pour autant qu’elle se limite à l’évocation des tiraillements entre gouvernements européens entre foucades des uns et caprices des autres. Le volet de l’évolution technique (et des difficultés inhérentes) est largement traité, mais dans un vocabulaire accessible. Ce livre traitant d’un sujet particulièrement évolutif, l’auteur ne pouvait pas faire l’impasse sur Ariane 6, le lanceur en cours de développement, lequel fait l’objet du dernier chapitre. En guise de conclusion, nous avons droit à une évocation d’Ariane Next, le projet qui prendrait la suite de la future Ariane 6. Celui-ci serait propulsé par un moteur cryotechnique réutilisable, fonctionnant sans hydrocarbures, simplement avec de l’oxygène et de l’hydrogène. En annexe, on trouvera en onze pages des tableaux des lancements, depuis Ariane 1 de décembre 1979 à la mission scientifique BepiColombo (objectif Mercure) dont le tir eut lieu le 19 octobre 2018. Et, pour ne pas perdre le fil, une liste des 95 principaux sigles et acronymes utilisés dans cet ouvrage.
L’iconographie est riche et pertinente, présentant nombre de clichés rares (en particulier en ce qui concerne la genèse des fusées françaises). Comme d’habitude chez ETAI, entre texte et iconographie, l’ensemble s’avère équilibré et de belle facture, dans un beau livre qui pourra séduire un vaste public, y compris parmi les « non-spécialistes » (et peut-être, justement, parmi eux). Ariane, une épopée européenne est la seconde édition (enrichie et mise à jour) d’un volume paru en 2007 chez le même éditeur*.
Philippe Ballarini
*ESA : European Space Agency – Agence spatiale européenne
*CNES : Centre National d’Études Spatiales
*Depuis la base de Kourou (département de la Guyane) la veille de Noël 1979
*Non référencé : en 2007, l’Aérobibliothèque ne traitait pas encore de la conquête spatiale
256 pages, 23,5 x 31 cm, relié
194 illustrations
1,598 kg
Avec l’aimable autorisation des éditions © ETAI
Avec l’aimable autorisation des éditions © ETAI
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Avec l’aimable autorisation des éditions © ETAI
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