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Ariane & Mars

Espace, défense et société en Guyane française
Romain Petit

Ce livre très intéressant, écrit par Romain Petit, Commissaire de l’Armée de l’Air et Docteur en Histoire, présente le Centre Spatial Guyanais sous un aspect peu connu, celui de ses activités liées à la défense, d’où le titre clin d’œil du livre, avec Mars, le dieu de la guerre. L’auteur situe bien le contexte général historique, politique et économique de ce qui est le plus grand département français – il n’élude pas les problèmes engendrés. Propulsé sur la scène mondiale par la fermeture du CIEES (Centre Interarmées d’Essai d’Engins Spéciaux, pas seulement à Hammaguir, mais aussi à Colomb-Béchar, Abadla, Bou Hamama, Le Kreider, Menouarar) en raison del’indépendance de l’Algérie, le CSG est la seule base spatiale terrestre équatoriale au monde, un avantage unique et donc hautement stratégique, français mais aussi européen. Pour un client, un lancement de Kourou procure un gain de 20% en masse par rapport à Cap Canaveral… Ainsi le CSG est-il un formidable moteur économique pour la Guyane.

C’est pourquoi ses activités sont liées à celles de la Base Aérienne 367 Cayenne-Rochambeau, chargée de le protéger, mais aussi de combattre l’orpaillage et l’immigration clandestine en provenance du Surinam et du Brésil, dans le cadre des FAG (Forces Armées en Guyane), avec aussi Armée de Terre, Marine et Gendarmerie. Le livre décrit avec force détails ces très peu connues activités militaires, directes ou indirectes, telle la récupération des débris d’Ariane V36 après son échec en 1990 (et apparemment celle d’un Propulseur Auxiliaire à Poudre du vol V50 le 29 avril 1992 – donc après, et non pas avant, le tir du 25 avril). Il y a aussi les missions de protection Bubo avec des Mirage 2000 armés venus de France, notamment le 26 février 2004 pour V158 (Rosetta) – mais le tir eut lieu le 2 mars ? L’auteur rappelle opportunément que la France possède son propre réseau de surveillance spatiale GRAVES, qui a permis notamment d’observer les interceptions de satellites réalisées récemment par la Chine et les USA (le satellite USA 193 a été en fait détruit par un missile SM-3 de l’US Navy) : soulignons que l’Allemagne possède aussi son propre système, techniquement complémentaire. Il est bien expliqué comment les satellites espions français Helios, lancés de Guyane, ont permis au pays en 2003 de ne pas suivre les Américains en Irak – confirmant l’absence de moyens de destruction massive déjà annoncée par les historiens avertis. Fort justement, il insiste sur la philosophie américaine clairement affichée de Space Dominance. Il oublie par contre l’éclosion de la cyberguerre, avec sa forte composante spatiale.

Sur un plan plus technique, notons que la famille Diamant est certes liée au programme nucléaire français, mais résulte précisément du travail de fond méconnu des trois armes, dès la fin de la guerre. L’auteur semble un peu fâché avec les dates : l’historique première Ariane fut lancée le 24 décembre 1979, la première Ariane 4 le 15 juin 1988, et le 30 octobre 1997 correspond au deuxième lancement d’Ariane 5, au demeurant partiellement réussi. Autres menues corrections : l’Allemagne est responsable de l’EPS (Étage Propulsif Supérieur), et ce sont plus de 330 satellites (dont une cinquantaine auxiliaires) qui avaient été lancés de Kourou début 2011. Quant à l’avion CASA, c’est plus précisément le type CN 235.

Cet ouvrage est donc utile par l’éclairage qu’il apporte sur le volet militaire méconnu de Kourou.

Philippe Jung


96 pages, 17 x 24 cm, broché

En bref

Éditions Ibis Rouge

ISBN 978-2-84450-426-5

15 €