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Aviation Populaire ou aviation prolétaire

1936
Vital Ferry

Ouvrage indisponible

Vital Ferry abandonne pour un temps les cieux africains et se penche sur l’un des piliers de la mythologie aéronautique française, l’Aviation Populaire. Voilà un sujet régulièrement évoqué par la littérature spécialisée et d’une manière affirmée qui laisse penser qu’il a été largement étudié, mais la bibliographie ne révèle qu’un seul article de Patrick Facon, diffusé de manière confidentielle par les remarquables recueils du SHAA au début des années quatre-vingts, ce qui rend le présent ouvrage présent d’autant plus intéressant.

Une première partie de l’ouvrage plante le décor du recrutement des pilotes militaires avant 1936, en particulier par l’intermédiaire des aéro-clubs ; car c’est bien de cela qu’il s’agit, trouver et former des équipages par l’intermédiaire d’une filière « populaire » en-dehors des sources habituelles, au moment où la tension internationale croissante impose un réarmement massif. L’état des aéroclubs et des écoles militaires en ce milieu des années trente aurait d’ailleurs mérité un développement plus important, sujet négligé depuis plus de cinquante ans par une historiographie trop peu portée vers les travaux de synthèse.

Le titre choisi est particulièrement judicieux tant cette étiquette « gauchiste », aurait-t-on dit plus tard, handicape dès le début une initiative pourtant appelée de tous bords. Mais au-delà d’une dénomination malheureuse, Vital Ferry instruit un procès objectif de l’affaire, montée trop rapidement pendant l’été 1936 pour marquer les esprits et dont les failles sont parfaitement mises en évidence par l’auteur.

Si l’objectif est bien de sélectionner de futurs pilotes militaires, sa netteté est vite brouillée par une volonté de créer une sorte de « nation d’aviateurs », idée chère au nouveau Ministre de l’Air Pierre Cot. L’image peut aujourd’hui faire sourire, mais replacée dans son contexte elle ne manque pas d’une certaine pertinence : l’aéronautique est alors devenue – ce qu’elle reste d’ailleurs de nos jours – la technologie avancée par excellence, dont la modernité n’a pas échappé aux services de propagande de tous les pays industrialisés, quel que soit leur régime politique. Alors que Jean Mermoz lui-même appelle de ses vœux l’apparition d’une aviation populaire, et que les régimes fascistes pratiquent alors la même méthode, les adversaires du gouvernement de gauche auront beau jeu d’y voir une tentative d’étatisation forcée des aéro-clubs.

Autre maladresse apparente, l’absence de concertation avec l’Armée de l’Air. Toute l’organisation mise en place se contente de développer la filière amenant les jeunes brevetés au concours d’entrée à l’école d’Istres, sans redéfinir les besoins d’une force aérienne sur le point de recevoir des avions modernes qui vont remettre radicalement en question l’ensemble de sa doctrine d’emploi. Mais aurait-il été possible de trouver un terrain d’entente avec une Arme suspicieuse des intention politiques du Ministère de l’Air et qui malgré les plans d’expansion successifs ne forme encore en 1938 que 130 pilotes ? Enfin, comment ne pas imaginer que l’on va s’aliéner le soutien des aéroclubs, qui pourtant voient initialement dans le projet un moyen d’augmenter leur activité, quand faute de crédits votés, on fait démarrer le mouvement en récupérant les subventions et les avions versés jusque-là. Une autre faille de taille est bien identifiée par l’auteur: rien n’est prévu pour former des mécaniciens et des instructeurs !

Tous ces problèmes transparaissent dans le récit qui couvre les trois petites années d’existence de cette aviation populaire, illustré par de nombreux témoignages. Malgré tout, ce sont quand même 3000 pilotes qui auront été formés en 1939, au moment où l’imminence d’un conflit fait transférer à l’Armée de l’Air ces sections d’aviation populaire !

L’auteur conclut par un intéressant bilan d’activité, apparent et réel. Il ne nous cache pas sa sympathie pour l’expérience, sans pour autant se départir d’un jugement critique. On a souvent mis en avant la proportion importante des candidats refusés par l’Armée de l’Air, mais nombre d’entre eux le furent au cours de la visite médicale, lors d’épreuves de culture générale d’un autre âge, ou simplement parce qu’ils n’avaient pas assez d’heures de vol… les militaires trouvant là en fait un moyen de limiter le nombre d’élèves dans une filière de formation désespérément sous-dimensionnée. Certains de ces candidats exclus reprendront leur formation plus tard, en France… ou ailleurs !

En résumé, nous avons ici un des plus importants ouvrages de l’année, indispensable pour qui s’intéresse à l’aviation de l’entre deux guerres ; comme souvent avec les bons travaux, on aurait aimé qu’il soit plus développé sur certains points. Espérons qu’il ouvrira la voie à de futures études, tant le sujet de la formation des navigants civils et militaires jusqu’en 1940 est loin d’être épuisé.

Pierre-François Mary


200 pages, 14,5 x 22 cm, couverture souple

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Éditions du Gerfaut

ISBN : 2-35191-016-9

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