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Avions espions

Guide illustré de la Première Guerre mondiale à nos jours
Norman Polmar & John F. Bessette

Si l’aviation entra en guerre fort peu de temps après l’invention de l’avion, ce fut de façon désarmée. Succédant aux ballons d’observation, les premiers avions militaires eurent pour mission l’observation des lignes ennemies au-delà de l’horizon. Bien vite, il fallut les pourchasser : ce fut l’apparition de la chasse, de celle dont la mission était de « balayer le ciel » des yeux indiscrets… et qui eut ensuite pour tâche de protéger ses propres observateurs. Les auteurs évoquent assez longuement l’observation par le biais de ballons captifs, mais passent immédiatement aux avions, oubliant les trains de cerfs-volants (comme ceux de Saconney).

Observation, reconnaissance, espionnage, la marge est souvent étroite entre ces trois vocables et le but est bien toujours le même : la collecte de renseignements. Dans ces conditions, la classification des appareils devient hasardeuse. Les authentiques « avions-espions », tels les Lockheed U-2 ou SR-71 sont noyés dans une foule d’avions dont la plupart ne furent ou ne sont qu’une déclinaison (parfois anecdotique) d’un appareil ayant d’autres fonctions, que ce soit le bombardement, le transport ou la chasse…

Une première partie intitulée « Les opérations des avions espions » fait le tour en 74 pages de quelques théâtres d’opérations (plus particulièrement ceux où intervinrent les USA), mais ce d’une manière qui n’a rien d’abouti. Par exemple, dans ce livre qui se veut consacré à l’espionnage aérien, ne sont guère évoquées les missions effectuées par des avions des ligne prétendument égarés.

C’est ensuite le tour du « plat de résistance » intitulé « Les avions espions », traduction littérale de « Spyplanes »*, titre originel de ce livre. Or, de l’autre côté de l’Atlantique (ou tout au moins pour les auteurs), ce vocable semble avoir une acception très vaste, incluant tous les appareils ayant une fonction de renseignement, y compris l’observation tactique ou la cartographie. On y trouve quatre chapitres : l’Allemagne (de la Seconde Guerre mondiale), le Royaume-Uni, la Russie (y compris l’URSS) et, pour finir, les USA qui, bien évidemment, occupent sensiblement la moitié de l’ensemble de l’ouvrage. Le portrait de chacun des appareils est brossé dans des espaces allant d’une à quatre pages (illustrations comprises).

Alors que sont parfois évoqués des appareils anecdotiques comme le Hughes F-11 qui n’exista qu’à l’état de prototype, ou l’Avro 730 qui ne décolla pas de la table à dessin, pas un mot par exemple pour le Mirage IV qui effectua quantité de missions de reconnaissance, voire d’espionnage façon « overflights » (incursions en vol dans des pays signataires du Pacte de Varsovie). On peinera également à trouver une (très) brève mention du Transall C-160G « Gabriel » de reconnaissance électronique.
En ce qui concerne le Royaume-Uni, est mentionné le Panavia Tornado de reco, mais sont oubliés par exemple les Handley-Page Victor SR2 qui effectuèrent pourtant nombre de missions d’espionnage (y compris de pays amis).
On notera cependant avec plaisir la brève évocation du projet (abandonné) Aurora et celle du Lockheed Martin SR-72 qui vise Mach 6 (mais qui serait sans doute davantage un drone qu’un avion piloté).

Ainsi, si ce « Guide illustré de la Première Guerre mondiale à nos jours » sera sensiblement à même de satisfaire un citoyen des États-Unis, il laissera perplexe un lecteur européen en raison de carences peu conformes avec sa fonction annoncée en sous-titre. Un beau livre, certes, d’une grande richesse, fort bien illustré, mais entaché de lacunes et de déséquilibres. Le titre français ne correspond en tout cas pas au contenu de l’ouvrage.

En conclusion, le titre inadapté, traduction trop servile du titre originel, sera à l’origine d’un certain désappointement chez le lecteur francophone, lequel s’attendait vraisemblablement davantage à une présentation approfondie des quelques authentiques « avions espions ». C’est dommage, car tant en matière de d’impression que de façonnage, la qualité était au rendez-vous.

Philippe Ballarini


240 pages, 22,2 x 28,3 cm, relié + jaquette, 700 illustrations
1,350 kg


*Spyplanes, ISBN 9780760350317, 20 décembre 2016, Voyageur Press / Quarto (USA)

En bref

ETAI

ISBN 979-1-02830-196-5

55 €