La recension d’un ouvrage de photographies d’aviation n’est pas chose facile car au-delà du premier abord esthétique ou de l’aspect purement technique de la photographie, pour les plus avertis, il n’offre pas matière à disserter sur des critères objectifs traditionnels (aspects historiques, controverses, etc.) Ainsi, face à ce « matériau brut » visuel et alors qu’une pléthore de photographes talentueux nous régalent dans moult livres et revues, ce seraient essentiellement des critères subjectifs, artistiques, affectifs, donc forcément personnels, qui emporteraient la décision. Pour le plaisir des yeux seulement ? Pourtant, une fois refermés, les magnifiques Carnets de voyage d’un photographe d’aviation de François Brévot ont aussi suscité en nous des sentiments de nostalgie (tel une sorte d’album de famille que l’on parcourt une énième fois) mais aussi d’exaltation, car l’aventure (la passion) n’est heureusement pas éteinte !
Catherine Maunoury, Directrice du Musée de l’Air et de l’Espace du Bourget et ancienne championne du monde de voltige, ne s’y trompe pas lorsqu’elle affirme dans sa préface : « C’est le bestiaire d’un photographe de grand talent, une iconographie animalière en forme d’hymne à l’aviation, un plaisir pour les yeux. Voici réunies de très belles photographies, impeccables d’un point de vue strictement technique, mais dont l’intérêt réside plutôt dans l’élégance furtive d’avions saisis au vol. En soi, il y a là une apparente contradiction. Comment, en effet, illustrer le mouvement, la vitesse, le ronflement des moteurs, la fureur des décibels, à l’aide d’images fixes ? C’est un défi d’un genre particulier, sinon nouveau, qui suppose un grand savoir-faire de la part du photographe mais aussi, bien sûr, la participation active du lecteur. Il faut tourner les pages, s’arrêter à l’une ou l’autre image, en imaginant juste le contexte dans lequel replacer ces documents, grand meeting aérien ou visite d’une base militaire, d’un aéroport, d’un aéro-club ». Pour débusquer ses magnifiques proies, le chasseur photographe François Brévot ne nous propose pas une trame chronologique, historique ou technique, mais plutôt un fil conducteur dépaysant, sous la forme d’un « carnet de voyage » dans les endroits exotiques de ses traques, où se déroulent des « airshows» relativement méconnus : les montagnes autrichiennes à Zeltweg, les versants alpins néo-zélandais de Wanaka, la nuit arctique de Kauhava (Finlande), la petite île anglo-normande de Jersey, l’aéroport Jean Lesage du Québec… Bien moins exotiques sont l’Air Tattoo de Fairford (Angleterre) ou La Ferté-Alais mais l’auteur n’a pas voulu renoncer à présenter ces deux manifestations plus accessibles, emblématiques et forcément inévitables du point de vue éditorial (d’autant plus qu’une partie des lecteurs peut alors se reconnaître et s’exclamer « j’y étais ! »). De ces différents choix géographiques découlent évidemment des paysages superbes, des lumières et des angles de prise de vue variés avec lesquels le photographe a joué pour nous proposer de somptueux instantanés depuis le sol comme un piéton (faut-il encore être bien placé et avoir le matériel adéquat, n’est-il pas amis spotters?) mais aussi en « air-to-air » (ce qui n’est pour le coup – et le coût – pas donné à tout le monde). Chacun appréciera les alchimies proposées en fonction de ses affections. Toutes les époques – des avions entoilées au jets les plus modernes, du Blériot XI au F-22 « Raptor » – sont représentées et même si les P-51 « Old Crow » ou « Big Beautiful Doll » sont archi-connus, on ne s’en lasse pas, façon « on n’oublie pas ses premiers amours ». Et puisqu’il est question ici de ressenti subjectif, nous répondrons à l’éventuelle question « Quelle est la plus belle photo de cet ouvrage ? » par cette affirmation tout à fait personnelle : « Les Britanniques ont créé le Spitfire, le Mosquito, le Lancaster et le Vulcan, et il ne restait plus grand chose aux autres ensuite ! » Et qu’il est beau le « Vulcan » de « Vulcan to the Sky », encadré par la patrouille des « Red Arrows » ! Aussi, en prenant le temps d’analyser en détail un cliché apparemment « anodin » – en l’occurrence un KC-135R semble-t-il on ne peut plus classique, sur fond de montagne à Zeltweg – on croit deviner ce qu’a voulu nous montrer le photographe. Le format à l’italienne, le papier glacé et la qualité d’impression concourent éminemment au plaisir que nous a procuré cet ouvrage, qui devrait ravir les fanas et émerveiller les néophytes, à commencer par les plus jeunes…
Pour le plaisir des yeux, donc ? Pas seulement… Admirer un Stradivarius c’est bien, le voir prendre vie aux mains d’un musicien et entendre ses sonorités, c’est encore mieux ! Ainsi, après avoir refermé (provisoirement) ce livre, se réveille en nous la perspective joyeuse et un peu enfantine de reprendre le chemin des meetings aériens pour revoir certains de ces magnifiques avions (ou d’autres encore) dans leurs évolutions, entendre les mélopées saccadées ou les rugissements vengeurs de leurs moteurs, renifler les effluves des tarmacs et des fumigènes ! À notre sens, cet ouvrage est aussi (comme tous ceux de cette catégorie) un témoignage de reconnaissance pour les passionnés qui œuvrent à maintenir en état de vol ce véritable patrimoine volant – non sans risques réels, en témoignent hélas les accidents réguliers de « warbirds » – une sorte de document d’archives aussi, dès lors que ces oiseaux – pour les plus âgés – fermeront un jour définitivement leurs ailes. Finalement, il n’y a guère que les blasés pour rester indifférents car Avions et meetings d’exception est vraiment de la belle ouvrage.
Georges-Didier Rohrbacher
86 pages, 29 x 21 cm, relié