Grâce aux ouvrages d’Alain Crosnier « T-6 sur l’AFN » (2004), « Au-dessus des djebels » (2009) et plus largement, « l’armée de l’Air en Afrique nord 1946-1967 » (2 tomes, 2015), la guerre aérienne qui a mobilisé les moyens militaires français est maintenant mieux documentée et les unités engagées, mieux connues dans le détail. Ces outils de référence qu’on pourra consulter indéfiniment étant maintenant disponibles, il reste à relater par le menu ce que fut la vie opérationnelle de ces unités. Parmi elles, les escadrilles et escadrons d’aviation légère furent les formations de combat œuvrant le plus souvent et au plus près de la ligne de feu. Aussi, la silhouette du T-6 jaune demeure-t-elle emblématique de la Guerre d’Algérie, pour beaucoup. C’est à cette tâche que se sont attelés Sébastien Guillemin et Patrick Vinot-Préfontaine dans le cadre des travaux de l’association « Le Trait d’union ». Les journaux des marches et opérations ont été compulsés page par page et les souvenirs des derniers anciens qui voulaient bien raconter leur guerre ont été recueillis. C’est donc sans surprise un récit chronologique très détaillé qui est fait de l’histoire des EALA 1/72, 8/72 et de l’escadron 2/2 qui a résulté de leur fusion, fin 1959. Les missions, les accidents voire les pertes humaines, les succès, les bilans se succèdent, largement illustrés par une iconographie riche et bien reproduite.
Les profils couleur de Patrice Gaubert sont, comme à l’accoutumé, irréprochables et leur disposition « à l’italienne » permet de présenter des avions de plus de 20 cm de long, très détaillés. Un des points forts de ce récit qui ne couvre au final que six années réside aussi dans les nombreux témoignages d’acteurs de l’époque, pilotes comme mécaniciens, qui apportent vie et rendent bien réels le récit, quelque peu aride, de la vie de leurs escadrilles. Les auteurs ont utilement complété ces trois historiques par une introduction au contexte géopolitique de l’époque, ainsi qu’une présentation succincte du cheval de bataille des EALA, le T-6. Pour les trois unités, de long tableaux compilent ensuite la totalité du personnel affecté, les terrains de stationnement et les appareils en dotation. Enfin, un indispensable lexique, auquel quelques termes ont échappé (UE, GMMTA, CA …) complète l’ouvrage. Pour chaque unité, une page sur sa symbolique présente l’insigne utilisé, mais ne mentionne pas de fanion.
Il ressort finalement que l’Humain est largement présent dans ces pages, à travers les faits relatés, les témoignages, les images, alors que ce type d’ouvrage a souvent tendance à se transformer en listes abruptes de cellules d’avions propres à satisfaire le spotter. C’est bien un équipage qui monte dans l’avion et réalise la mission, parfois au péril de sa vie, ce sont bien des mécaniciens qui l’entretiennent, sans lesquels aucun de ces aéronefs ne prendraient l’air. Les auteurs l’ont bien eu à l’esprit et leurs pages en témoignent.
On pourra regretter toutefois qu’aucune des citations individuelles décernées au personnel, un rappel du courage et du professionnalisme du personnel, n’aient été recensées. Un bilan du personnel décédé en service aérien commandé aurait aussi été le bienvenu, même si les noms se retrouvent dans le tableau du personnel, quelque peu noyés dans la masse. Enfin et pour être complet à l’adresse des historiens, la « période combattante » de chacune des trois unités, publiée au Bulletin officiel des armées, auraient dû être également mentionnée, une notion légale qui assure au personnel de l’unité, parfois des années après les faits, une reconnaissance officielle et des avantages.
Au final et malgré ces quelques critiques de détail, on ne peut que saluer l’existence d’un tel ouvrage qui devrait satisfaire les anciens, les historiens, les amateurs d’histoire de l’armée de l’Air. On peut former le vœu que le passé d’autres unités engagées dans ce conflit, longtemps relégué dans les placards de l’Histoire, soit ainsi remis en lumière, sans fard, avec rigueur et en détail, comme c’est le cas ici.
Bernard Palmieri
- 128 pages, format 21 x 29,7 cm, dos collé, couverture souple
- poids 450 g