Deux enfants de roi est le troisième et ultime tome de la trilogie Berlin, de Marvano. Enfin, trilogie… si l’on peut dire ! En effet, l’œuvre est aussi destructurée que sa genèse : Les sept nains, premier volume, est paru dans les années 90 comme un album unique, et ce n’est qu’en 2007 que Marvano en a fait le premier d’une série de trois. Le résultat est sans surprise : une sérieuse impression de voir un volume indépendant, suivi d’un texte unique étalé sur deux tomes, plutôt qu’une véritable trilogie.
Le deuxième volume, Reinhard le goupil, rompait violemment avec le réalisme sobre des Sept nains, en rajoutant des planches d’explications historiques, avec toute la subtilité de Georges Troisfontaines dans le tout premier Buck Danny, sur une histoire de fond abracadabrante de société parallèle d’adolescents néo-nazis.
Ce troisième volume est dans la veine du deuxième. L’indigestion de hors-texte historiques continue de plus belle : pas moins de quinze planches, sur les quarante-six que compte l’album, sont constituées de texte brut illustré !
Certes, prise indépendamment, l’histoire — qui poursuit étroitement celle de Reinhard, fils de Kammler, et de sa sœur juive — est moins absurde. Nous suivons désormais le fils du héros du tome 2, venu en Alsace démêler l’histoire de son père et des Kammler. L’occasion de revenir sur la nuit du 13 août 1961, qui vit naître brutalement la séparation qui deviendra le mur de Berlin. Mais in fine, cette histoire n’est plus présentée que par les planches hors-texte, ce qui la rend répulsive au possible. Or, il n’est pas possible de suivre vaguement le récit sans reprendre en détails les événements de 1961 ; c’est donc un véritable roman, un traité d’histoire du mur, que l’on doit impérativement avaler pour accéder à Deux enfants de roi. Cela rend la digestion pour le moins difficile, d’autant plus que l’on peine à se passionner pour l’histoire contée.
J’imagine que Les sept nains aurait décroché sans coup férir un de ces rares coups de cœur de l’Aérobibliothèque, si celle-ci avait existé en 1994. Il est également certain que Reinhard le goupil et Deux enfants de roi recevraient haut la main la mention exactement opposée si nous l’avions créée.
Franck Mée
Grand format, 52 planches
Les albums de la série Berlin
Les trois albums de cette série sont réunis dans un volume unique.