Toutes les uchronies reposent sur le même déclencheur : un « Et si ?… » Pour Black Squaw, celui-ci est tout simple : et si, en 1926, au lieu de poursuivre les spectacles aériens dans le Sud profond, Bessie Coleman avait décidé de retourner à Chicago, où vivaient ses frères ? Là, elle aurait pu se lancer dans une plus lucrative carrière de bootlegger*, apportant aux réseaux d’Al Capone sur le continent l’alcool que les Français acheminaient à Saint-Pierre-et-Miquelon.
De ce point de départ assez simple, Yann crée un scénario riche en aventures et en rebondissements, des brumes de Terre-Neuve au semi-désert texan. Il y glisse sans hésiter ses thèmes de prédilection, le racisme et le sexisme, traités délicatement au fil de quelques réflexions et de flash-back sur la jeunesse de Bessie. Il ne s’agit pas d’un brûlot politique : ces éléments font plutôt partie du décor, ancrant ses personnages dans les problèmes de leur époque. On retrouve l’équilibre subtil de Dent d’ours, qui abordait également ces sujets sans détour mais sans verser dans la leçon de morale. L’histoire comporte en outre quelques clins d’œil, destinés par exemple aux amateurs de cognac, aux partisans des théories de Bernard Decré ou aux linguistes appréciant les expressions insulaires.
Des enfants, des avions et des idées reçues montrées dans le naturel de l’époque : une recette équilibrée.
Avec l’aimable autorisation des © Éditions Dupuis
Le dessin fait également penser à Dent d’ours, sans surprise : c’est le même duo, Alain Henriet au noir, Usagi aux couleurs. Le trait est expressif et élégant, la mise en page dynamique, et les teintes jouent efficacement sur l’obscurité, la lumière et la palette pour marquer les différentes séquences. L’ensemble met ainsi parfaitement en valeur le rythme du scénario, y compris lorsque la trame principale est interrompue par un flash-back.
C’est donc avec plaisir que nous retrouvons Yann, Henriet et Usagi. Moins centré sur l’évocation poétique de l’enfance que l’ouverture de Dent d’ours, ce premier volume s’installe d’emblée dans l’uchronie et les aventures haletantes, mais il reste sensible, accessible aux jeunes adolescents et capable de séduire les adultes.
Franck Mée
56 pages, 24 x 32 cm, cartonné
DE170620
Les albums de la collection « Black Squaw »
Avec l’aimable autorisation des
© Éditions Dupuis
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