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Blood, sweat and valour

No. 41 Squadron RAF 1942-1945
Steve Brew

Cette recension sort du cadre habituel du fonctionnement de l’Aérobibliothèque. La taille de l’ouvrage et son écriture en langue anglaise n’en font pas le genre de livre recherché par l’amateur francophone lambda. Mais la qualité du travail accompli mérite ces quelques lignes, si elles peuvent apporter un éclairage à cet historique d’unité de la Royal Air Force et achever de convaincre quelques lecteurs potentiels.

L’oncle de Steve Brew a été pilote de Spitfire pendant la Seconde Guerre mondiale, et après une période opérationnelle d’environ deux mois, il a été abattu en combat aérien et fait prisonnier. Il n’a appartenu qu’à une seule unité, le No. 41 Squadron. Voilà comment l’auteur australien a commencé à s’intéresser à l’escadron anglais, d’abord par rapport à son oncle, puis à ceux que ce dernier avait côtoyés, puis de fil en aiguille, au squadron tout entier pour la durée de la guerre.

C’est là l’aboutissement de dix ans de recherches poussées, tant au niveau des documents que le Squadron, toujours existant, a conservés depuis lors, que des archives publiques, auprès des anciens et des familles de ceux qui ne sont plus de ce monde. Steve Brew a dû batailler pour faire publier son travail, le manuscrit ayant été refusé par de nombreux éditeurs, car jugé trop volumineux. Il a refusé de faire des coupes sombres, et son opiniâtreté a fini par payer.

Jugez-en vous-mêmes : le volume fait pas moins de 990 pages, dont plus de 200 d’annexes et de notes de fin d’ouvrage. Certes, après la lecture (qui m’a pris trois semaines, un peu chaque soir), apparaissent certaines redites, par exemple dans les notes, sur les carrières des pilotes avant ou après leur appartenance au Squadron, avec les mini-biographies de l’annexe I. Cependant, la suppression de ces quelques redites n’aurait pas fait gagner grand-chose en termes d’amaigrissement. Si vous avez bien lu le sous-titre, la période couverte va de 1942 à la fin de la guerre. Un second volume est donc attendu, d’ici deux ans ; intitulé Blood, sweat and courage, il évoquera le Squadron depuis le début de la guerre jusqu’à juillet 1942.

Le récit est nécessairement chronologique et commence au mois d’août 1942, ce qui lui fait englober l’opération Jubilee. Personnellement, j’aurais coupé l’histoire du Squadron lors de la transition sur Spitfire XII, afin d’avoir un volume Spitfire-Merlin et un second Spitfire-Griffon, mais c’est le choix de l’auteur. L’une des particularités de cette unité, c’est que c’est l’une des rares à avoir continuellement volé sur Spitfire pendant tout le conflit. De même, c’est l’un des seulement deux Squadrons à avoir volé sur Spitfire XII (le premier de série à moteur Rolls-Royce Griffon, seulement 100 exemplaires construits), il a d’ailleurs été le premier à les toucher, et le dernier à les rendre. Alors en plus, si on aime le Spitfire XII, on appréciera le livre…

L’auteur a placé dans le texte de son livre des petits tableaux dans lequel les autres unités impliquées dans les diverses missions auxquelles le Squadron a contribué, jour après jour, Ramrod après Ramrod. Ce souci du détail l’honore, comme la volonté d’être didactique sur les grandes opérations auxquelles l’activité du Squadron est liée (D-Day, l’offensive des V1, Market-Garden, les missions Big Ben, etc…)

Si l’aspect opérationnel est prépondérant, l’humain n’est pas oublié. Chaque pilote qui a appartenu à l’unité est détaillé, certes certains plus que d’autres, mais personne n’est mis de côté. Là encore on sent que l’auteur a creusé la question pour approcher le plus possible de la vérité.

L’iconographie n’est pas négligée. Soyons un peu critique : certaines photos ne sont pas toujours pile en face du fait ou du pilote mentionné, ou encore on aurait apprécié les voir dans une taille un peu plus grande. Mais le livre est un historique d’unité « pointu », à ne pas confondre avec une collection de photos assorties de texte. Steve Brew a scrupuleusement répertorié ses sources, et a su se montrer critique vis-à-vis d’elles. Il explique notamment les différences relevées entre certains documents, et s’il propose une interprétation dans les cas les plus simples, il n’impose rien dans les cas plus litigieux. C’est là une belle preuve de travail d’historien… pour quelqu’un qui n’en est pas un à l’origine, comme c’est souvent le cas dans cette « niche » spécialisée qu’est l’édition aéronautique.

Huit profils couleurs ont été commandés spécialement auprès de l’illustrateur français Gaétan Marie, quatre sur la quatrième de couverture, et quatre dans le rabat en troisième de couverture, ce qui est un peu maladroit car cela les met peu en valeur.

De fait, j’ai trouvé que le livre se lisait très bien, dans un anglais qu’un bon nombre de lecteurs français « moyens » dans la langue de Shakespeare maîtriseront sans peine. Cette publication fait incontestablement partie des meilleurs historiques d’unité de la RAF, à l’image de Gusto, ouvrage en français qui était consacré au groupe « Île-de-France », et avec lequel j’ai trouvé quelques similitudes dans la précision du traitement. Donc, si l’anglais ne vous rebute pas, si l’unité ou ses montures vous intéressent, n’hésitez pas à vous procurer l’ouvrage, vous ne le regretterez pas.

Jocelyn Leclercq


990 pages, 25 x 17 cm, broché
en anglais

En bref

Fonthill Media

ISBN 978-1-78155-193-6

Chronique : Jocelyn Leclercq
£ 35,00 / $ 50,00