Il est vieux, sur son lit de mort, et il se souvient. Des plaines du Midwest, où son oncle, ancien chasseur du Pacifique, pilotait un vieux biplan, à celles du Viêt-Nam, où il a lui-même largué quelques centaines de tonnes de bombes depuis son F-4. Il se souvient bien sûr des missions de bombardement à basse altitude ou de protection des F-105, mais aussi de l’ambiance sur les bases, et de la différence entre son premier tour d’opérations (mené par des hommes bien entraînés, sur des avions entretenus et pour des missions identifiées) et son second (avec des pilotes démotivés, une administration qui comptait les pièces détachées et des renseignements de plus en plus approximatifs).
Bombroad a beaucoup de qualités. Tout d’abord, un rythme, une ambiance portée par une bonne articulation du scénario et du dessin — celui-là, classique au fond mais bien mené et doté de quelques dialogues agréables, est porté par celui-ci, qui profite d’une mise en pages dynamique, avec un découpage « à la Derib » où les cases s’articulent les unes aux autres pour souligner la quasi-simultanéité des actions. Il faut apporter une mention particulière au travail du coloriste Wes Hartman, qui joue énormément sur les teintes : chaleur et clarté du Midwest alternent avec les tons ocres et verts sombres du Viêt-Nam tandis que les planches aériennes sont dans des gris-bleus limpides, chaque ambiance de couleurs correspondant ainsi à une ambiance narrative.
Bombroad tome 1 profite aussi d’une belle mise en abîme, les surhommes vainqueurs devenant à leur tour cibles une fois dans les rues de Da Nang — « c’était un peu comme se retrouver face aux conséquences d’un bombardement. »
On peut bien sûr trouver quelques faiblesses, comme l’étonnante disparition du dialogue entre vieil homme et jeune pilote une fois la machine à souvenirs lancée, un ou deux clichés évitables (l’équipage qui se fait shooter pour la première fois le jour de la dernière mission) et une poignée de fautes de perspectives notamment sur les panneaux d’ailes extérieurs des F-4, mais ce sont là des péchés véniels.
Dans l’ensemble, c’est donc un récit sympathique, pas toujours très original mais bien mené, bien illustré, superbement mis en pages et colorisé. Bombroad est donc, pour les amateurs du genre, tout à fait recommandable.
Franck Mée
48 pages, 24 x 32 cm, relié couverture cartonnée
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Avec l’aimable autorisation des © Éditions Paquet
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