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Breguet 693

Le « lion » de l’aviation d’assaut
Arnaud Prudhomme

De mémoire, l’ouvrage le plus récent et le plus documenté sur les Breguet d’assaut était celui de Olivier Ledermann et Jean-François Merolle, publié en 1994 par l’IPMS : “Le sacrifice – les Breguet de l’aviation d’assaut dans la campagne de France”, désormais introuvable. Grâce à Arnaud Prudhomme et la puissance éditoriale de Histoire & Collections, nous pouvons savourer une nouvelle cuvée consacrée à ce magnifique bimoteur, l’un des avions français de la campagne de 1940 qui jouit d’une aura particulière.

Le volume se décompose en huit chapitres :
– Le Breguet 690, le précurseur
– Le Breguet 691 commandé en série mais… réservé à l’instruction
– Le Breguet 693, un modèle adapté aux besoins de l’aviation d’assaut
– Les Breguet 693 allemands et italiens
– Les Breguet 693 en service dans l’aviation de Vichy
– Les prototypes dérivés du Breguet 691/693
– Les projets dérivés du Breguet 691/693
– Camouflages et marques

Certes, cet appareil et ses unités, ses équipages et leurs missions sont bien connus mais il paraît difficile de condenser autant d’informations en 112 pages avec une mise en page remarquable et moderne, parsemée de tableaux, de cartes, plans techniques, profils couleur et récits. L’auteur a fait un usage extensif de toutes les sources disponibles, à commencer par les travaux de Pierre Rivière et les excellents numéros de la revue Icare consacrés à l’aviation d’assaut bien sûr, mais aussi les archives du Service Historique de la Défense (SHD), dont les interviews du Bureau des témoignages oraux. Ainsi, entre autres enregistrements auxquels le public peut accéder, celui du célèbre pilote d’essais Maurice Claisse en personne, ou encore François Maurin et Guy Perrot de Thanneberg. Arnaud Prudhomme reprend l’un de ces précieux témoignages (recueillis depuis de nombreuses années par Françoise de Ruffray et son équipe, la novatrice section “Histoire orale” de feu le Service Historique de l’Armée de l’Air), celui de Georges Grimal, pour évoquer des “essais très spéciaux en Algérie” en février 1940, lorsque un Breguet fut transformé en avion pulvérisateur “pour répandre de l’ypérite sur les colonnes allemandes”. Les photographies sont majoritairement issues du SHD Air, donc connues mais agréablement reproduites, n’étaient les quelques clichés étirés sur deux pages en vis-à-vis : ils perdent ainsi de leur intégrité là où le “spectaculaire” gagne. S’agissant du bilan des groupes d’assaut, l’auteur avance que “si les Breguet n’ont pas pu endiguer l’offensive terrestre qui a déferlé sur les routes de Belgique, ils n’en ont pas moins causé d’importants dégâts aux troupes de la Wehrmacht” ou encore “le bilan opérationnel se solde par des centaines de véhicules détruits ou endommagés (une campagne impossible à chiffrer)” : et l’on comprend que ce bilan se fonde exclusivement sur des appréciations françaises approximatives, alors que certains témoignages d’équipages eux-mêmes indiquaient la difficulté à évaluer les résultats de leur tirs. Entendons-nous bien : il ne s’agit pas de minorer la détermination et l’héroïsme de ces équipages mais bien de s’interroger sur la validité de ce concept d’ “avion d’assaut” et son impact réel dans les combats, avec un appareil moderne certes, mais notoirement sous-motorisé, dépourvu de blindages appropriés (façon Chtourmovik, celui qui plus que tout autre avait une chance “raisonnable” de survivre dans les “rideaux de ferraille” de la Flak) et de réservoirs auto-obturants pour affronter tous les tirs antiaériens à basse altitude. Le bilan de Guy Perrot de Thanneberg apparaît dès lors pertinent : “Nous sommes revenus des combats sans même avoir mis de tactique d’attaque au point. On pouvait nous assimiler à de la chasse lourde. On a fait du straffing et du semi-piqué, toutes ces choses que les pilotes de chasse ne faisaient pas à cette époque là parce que la chasse était utilisée uniquement en chasse pure et en couverture”. En fait de lion, le magnifique Breguet 693 apparaît plutôt frêle pour les missions qui lui furent confiées et un autre titre à cet ouvrage, tel que “Le Breguet 693 et les Reichshoffen de l’Air” (comme la presse nommait ses équipages au moment même de l’attaque sur la Belgique, ainsi que le précise l’auteur) nous aurait paru pour le coup plus véridique. Précisons enfin que les annexes en fin d’ouvrage détaillent les différents groupes d’assaut, les commandants de groupe et d’escadrille et les différents terrains de stationnement, ainsi qu’une liste des pertes du 12 mai au 20 juin 1940.

Non, décidément, nous ne voyons pas ce qui manque à ce volume dense et à un prix concurrentiel, qui plus est d’une excellente facture. Et l’on se prend à rêver que d’autres appareils fassent l’objet d’un même traitement, pour le plaisir d’aligner une belle collection homogène. Dans l’attente, nous vous recommandons sans hésitations Breguet 693 – le “lion” de l’aviation d’assaut.

Georges-Didier Rohrbacher


112 pages, 21 x 25 cm, broché dos carré)

En bref

Histoire & Collections

ISBN : 978-2-35250-194-7

24,95 €