Si un individu devait un jour nous parler du Breguet XIV, quel pourrait être son profil ?
1) Tout d’abord, il faudrait qu’il soit passionné par l’appareil original, par son histoire, faite d’une chanson de geste pour sa période militaire et d’une saga pour sa deuxième vie civile, et par les hommes dont ce valeureux destrier a croisé la route. Au fil de plusieurs décennies, il faudrait que ce brave homme ait accumulé tout ce qui concerne cet appareil, qu’il ait compilé des monceaux de documentation et répertorié des centaines de photos.
2) En exagérant, on pourrait imaginer que, pris au jeu et à son propre piège, il aille jusqu’à imaginer un matin d’en construire une réplique volante, puis à lancer réellement le projet, monter une équipe et franchir avec cette bande de passionnés tous les obstacles qui viendraient à se dresser sur la route de cette belle aventure.
3) Enfin, tant qu’à délirer, on le verrait même s’engager un jour sur la route aérienne qu’empruntaient tant bien que mal ses glorieux aînés, cette route aéropostale qui mène de Toulouse à Cap Juby.
Et voilà ! On en rêvait, Eugène Bellet nous l’apporte sur un plateau. Il est en effet celui qui, non seulement doit avoir acquis la meilleure connaissance de ce fleuron de la maison Breguet, mais aussi celui qui lança la réalisation du F-POST, cette merveilleuse réplique. Il est aussi celui qui, en compagnie de Luc Gimazane, fit suivre à son avion les traces de l’auteur du Petit Prince.
C’est cette triple aventure qu’Eugène Bellet nous présente dans le joli livre que nous avons aujourd’hui entre les mains.
Parce qu’on imagine que c’est ainsi plus vivant, les trois parties ci-dessus nous sont présentées dans l’ordre chronologique inverse.
Dans la première moitié de l’ouvrage, E.Bellet nous raconte ce vol mythique en septembre 2010 de Toulouse à Cap Juby, et le récit est très joliment illustré de photos grand format de cette commémoration. Les photos sont magnifiques, tout au plus pourrait-on regretter un détail omniprésent, cette grosse roulette de queue anachronique, petite concession aux progrès du pilotage depuis l’époque de Louis Breguet. Cette partie est émaillée d’encarts nous remémorant au fil du survol quelques événements marquants de l’histoire de la Ligne, en hommage à ses acteurs : Gourp, Védel, Lemaître, Lécrivain, Saint-Exupéry, Rozes, Ville, Daurat, etc.
Puis, au fil d’environ un quart du livre, c’est une autre narration qu’entreprend l’auteur, celle de la construction de cette réplique, le F-POST si bien nommé. C’est une autre aventure en elle-même, parcours du combattant à la fois technique, financier, réglementaire et humain. Ici aussi le texte est abondamment illustré, et c’est un double plaisir pour les yeux.
Enfin, le quart restant est consacré à l’histoire de la bête, sa genèse puis sa double vie, civile et militaire. Ici, ce sont bien entendu des photos d’époque en noir et blanc qui égayent notre lecture.
Et au passage, vous apprendrez bien sûr si l’on doit dire Breguet XIV ou Breguet 14, question qui m’a longtemps turlupiné…
Le Breguet « Croix-Bâton-Vé » ? C’est une machine à affranchir…
Une machine destinée à franchir des lignes ennemies pour y déverser des bombes, puis une machine à franchir les Pyrénées et les déserts pour y porter des sacs de courrier bien timbré, et enfin une machine à franchir les portes du temps en s’affranchissant de contraintes qui paraissaient insurmontables…
Jean-Noël Violette
144 pages, 24 x 30 cm, relié