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Buck Danny 56

Vostok ne répond plus
Formosa & Zumbiehl

Après un premier duo d’albums en mer de Chine, Frédéric Zumbiehl et Gil Formosa ont été confirmés aux commandes de la série principale de Buck Danny. Ils ont donc déployé leurs talents dans un format plus ambitieux : cette nouvelle histoire s’étend sur trois albums, une première depuis la séquence « alerte nucléaire » des années 1980. Celle-ci étant unanimement reconnue comme un des scénarios les plus réussis de Jean-Michel Charlier, revenir au triptyque n’est pas anodin : l’histoire doit être assez longue et assez fouillée pour le justifier.

Nos trois héros quittent leur Super Hornet habituels : le corps des Marines a prêté trois F-35B (la version à décollage et atterrissage verticaux du Lightning II) à l’US Navy afin de les tester en conditions hostiles, en Antarctique. Leur objectif : traverser le continent blanc, du Pacifique sud aux Kerguelen en passant par le pôle. Mais comme dirait Sonny, « suivant la loi de Murphy, les choses merdent normalement » : ils arrivent alors que les scientifiques russes ont mis au jour des virus inconnus, coincés sous la glace depuis des millions d’années. Et une mystérieuse organisation secrète, qui aimerait mettre la main sur ces potentielles armes biologiques, a embauché une certaine Lady X…

Buck Danny
Buck Danny

Le Lightning II est quelque peu égratigné par le scénario, qu’il s’agisse de sa fiabilité par temps froid, de sa maintenance sur le terrain ou de sa capacité à résister aux tirs…

Frédéric Zumbiehl nous propose une intrigue médicale plutôt fouillée. Il ne s’attendait sans doute pas, en écrivant cette histoire de virus potentiellement pandémique et de course entre mutations et vaccins, à voir le troisième tome paraître en pleine pandémie de covid-19.

Comme celle-ci, le scénario est global : il passe gaiement du glacial Antarctique au torride Arizona et réunit des personnages américains, russes, japonais ou français. Les traîtres à double détente sont toujours prêts à relancer l’intrigue et les nombreux rebondissements voient chaque personnage frôler la mort au moins une fois. Mais Lady X a toujours un plan de rechange et Danny, Tuckson et Tumbler ont plus de vies que des chats dopés à la potion magique… Si cette avalanche de retournements et d’échappatoires parfois improbables nuit çà et là à la clarté de l’histoire, elle entretient un suspense haletant. L’aventure, menée tambour battant, se dévore d’une traite. En outre, Zumbiehl fait évoluer subtilement les personnages : Buck, l’éternel asexuel, semble se dégeler un peu, et Lady X révèle des aspects nouveaux de son caractère — le tout en restant cohérents avec leurs personnalités habituelles.

Buck Danny
Buck Danny

Au fil des trois tomes de cette série, la variété d’appareils ravira les plus blasés.

Durant ces aventures, les héros et leurs antagonistes côtoient des machines diverses, de l’Antonov 2 (désormais définitivement associé à ce phylactère incroyable : « On arrive trop vite ! ») à l’Antonov 12 en passant par les Lockheed F-35, C-130 et L-100, le Boeing-Bell V-22 et tant d’autres, jusqu’à un Land Rover Defender et bon vieux Ford F100 des années 1950. Ces nombreux véhicules sont l’occasion pour Gil Formosa de montrer sa maîtrise des formes et des angles, tant sur les dièdres complexes du Phantom II que sur les lignes souples et élégantes du Gulfstream G650. Quant aux personnages, il se les est désormais parfaitement appropriés, trouvant un bel équilibre entre réalisme et expressivité. Si son style d’ensemble s’inscrit dans l’héritage de Bergèse, il fait évoluer les traits des héros et modernise la mise en page, variant les formats pour obtenir un graphisme dynamique et enlevé. Isabelle Drouaillet-Formosa nous offre également une excellente mise en couleurs, moderne et efficace, aux palettes aussi variées que les ambiances du scénario : la couleur soutient parfaitement le noir.

Dans l’ensemble, ce premier opéra en trois actes composé par Zumbiehl et les Formosa se classe dans les points hauts de la série. Certes, les rebondissements sont parfois un peu « capillotractés* » et difficiles à suivre ; certes, le récit n’est pas aussi implacablement calculé que le précédent triptyque, écrit jadis par maître Charlier. Mais les trois tomes s’avalent sans pause et laissent une bien agréable impression.

Franck Mée


48 pages, 21,8 x 30 cm, cartonné
0,388 kg


* capillotracté : tiré par les cheveux


Vostok ne répond plus
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Dupuis

ISBN 978-2-8001-7317-7

12,50 €