Mettre en rogne CJE (Christian-Jacques Ehrengardt) était d’une simplicité enfantine : vous utilisiez le mot « marquage » au lieu de « marque », et hop ! Il sortait de ses gonds. Cette précision lexicale semble l’avoir tenaillé, car en fin de son introduction de ce livre, il précise :
Marquage : action de marquer, d’apposer une marque (inscription, dessin) sur quelque chose.
Marque : résultat du marquage.
Les marques sur les appareils, pour parfois décoratives qu’elles soient, n’y figurent pas pour « faire joli », pas plus que les camouflages. Ces travaux graphiques ont un sens. Et ce sujet suscitait l’intérêt de CJE depuis longtemps : il avait, au fil des années, rédigé plusieurs articles et publications sur la question.
Outre le fait que le sujet n’est pas des plus simples, les photos couleur d’époque étant rarissimes, il est singulièrement touffu et complexe. Non seulement d’importantes variations sur le camouflage et les marques intervinrent en fonction de l’époque, de l’unité, du lieu, des opérations… mais l’Armée de l’air a ceci de bien français qu’elle est championne des exceptions. Dans ces conditions, l’organisation et le découpage de ce livre a dû relever du casse-tête… dont l’auteur s’est bien évidemment tiré de bien belle manière, l’iconographie (très riche) venant régulièrement étayer les propos de CJE.
Christian-Jacques Ehrengardt a très tôt été un chaud partisan de la présence de profils dans ses publications historiques. La raison qu’il évoquait était limpide : l’iconographie étant en noir et blanc, c’était le meilleur moyen de permettre au lecteur d’avoir une vision en couleur des appareils évoqués. La présence d’une centaine de ces profils couleur est donc tout naturellement la bienvenue, en complément des 500 photos noir et blanc.
Ce sont, en matière de peinture, tous les usages qui sont évoqués, avec les particularités des différentes unités à des périodes variées. Tout est passé au crible, y compris les marques constructeur, les avions des chefs, les insignes d’unités, les marques tactiques, l’identification des pilotes… On notera la présence de tableaux divers (unités, matricules, insignes, etc.) Les profils couleur, l’un des éléments majeurs de cet ouvrage, sont très réussis ; on les doit à Jean-Marie Guillou et Rodrigo Barraza. Tout au plus les maquettistes pourraient-ils regretter l’absence d’un nuancier.
Pas du tout rébarbatif en dépit d’un sujet relativement austère, cet ouvrage est le dernier de Christian-Jacques Ehrengardt. Le « livre définitif » est un mythe, mais il serait douteux que le sujet des camouflages et marques français soit traité prochainement avec la même ampleur. Un livre-testament, en quelque sorte, tant le sujet était de ceux qui comptaient parmi les principaux chevaux de bataille du créateur d’Aéro-Journal.
Philippe Ballarini
216 pages, 21 x 28,5 cm, couverture cartonnée
1,067 kg