Au tournant des années 2000, Michel Léveillard fut l’un des premiers contributeurs au site web Aerostories, une des premières tentatives pour créer une revue aéronautique sur Internet, venant y raconter ses souvenirs de pilotage d’une machine de légende, le Lockheed Constellation ; depuis, la revue s’est endormie en attendant le prince charmant qui viendra la réveiller, mais ses rejetons que sont les Aéroforums et l’Aérobibliothèque sont bien vivants et vigoureux.
Comment donc ce petit garçon, qui regardait passer les bombardiers américains au-dessus de sa ville de Rouen, a pu se retrouver copilote de l’un des pilotes de ces avions longtemps après la fin de la guerre, aux commandes d’un avion d’Eastern Airlines ? C’est ce que Jean-Noël Violette vient nous expliquer dans un petit ouvrage dont il nous est plus difficile que d’habitude de parler de manière objective…
Michel Léveillard est donc un jeune Rouennais qui, en économisant les salaires de ses petits boulots au milieu des ruines du Rouen de l’après-guerre, réussit à devenir le plus jeune lâché de l’Aéro-Club de Normandie avant son seizième anniversaire.
Les années qui suivent sont faites de ce qui fut le lot de bien des pilotes de l’époque, entre vie militaire et emplois précaires, mais c’est une petite annonce recherchant un pilote agricole aux USA qui fait basculer la vie de Michel comme notre lecture.
S’il n’est certainement pas le seul à traverser l’Océan Atlantique à cette époque, les récits de ceux qui ont réussi cette expérience sont peu nombreux, donnant toute sa valeur au contenu de ce livre. La tentative était-elle plus facile dans les années cinquante qu’aujourd’hui ? Difficile à dire… Certes il devient de plus en plus difficile aujourd’hui d’obtenir la fameuse « Green Card », mais on imagine que pour accéder au cockpit d’une compagnie « major », les places n’étaient pas si nombreuses, face à des centaines de pilotes militaires quittant l’Air Force ou l’US Navy chaque année !
Au détour des pages, on découvre une sorte d’âge d’or de l’aviation civile aux États-Unis, depuis la vie des petits terrains jusqu’aux opérations d’une compagnie aérienne – on lira avec un intérêt particulier le récit des vols d’Eastern Airlines vers la base de Thulé, dans le nord du Groenland (il aurait presque pu y croiser Tanguy et Laverdure venant tester le comportement dans les grands froids de leurs nouveaux Mirage IIIE, rappelez-vous).
S’il s’est aujourd’hui complètement acclimaté à la vie américaine, Michel Léveillard n’en a jamais oublié ses origines normandes, ni ceux qui lui mirent le pied à l’étrier (au palonnier ?), au premier rang desquels l’abbé Jean Marguery, figure incontournable de l’aviation rouennaise des années vingt à sa disparition en 1968. Vers 2014, alors que presque chaque commune organisait son exposition sur la Grande Guerre, une personne organisatrice d’une telle manifestation lançait un appel sur un forum d’histoire pour obtenir des renseignements sur un des anciens curés de Saint-Jacques-sur-Darnétal, l’abbé Marguery, qui aurait été pilote pendant la guerre. Mise en relation avec Michel, elle se retrouva du jour au lendemain devant une telle masse de documents qu’il fallu repenser toute l’exposition pour faire une plus grande place au souvenir de l’abbé, même si l’étude de ces archives révéla que jeune élève des Arts et Métiers, il avait été mécanicien d’avions — faisant de temps à autre le coup de feu comme mitrailleur, et ne partant en stage de pilotage qu’en mai 1918, pour apparemment être victime d’un accident sérieux dès l’un de ses tous premiers vols (il reste encore aujourd’hui un incertitude sur le fait qu’il ait passé par la suite son brevet civil). Si à la suite de cette exposition, la place où se tient l’église de Saint-Jacques fut rebaptisée du nom de son cher abbé, c’est donc incontestablement grâce à Michel Léveillard !
Pierre-François Mary
112 pages, 16 x 24 cm, broché
146 photos et illustrations
0,304 kg
Ouvrage épuisé