Le cinquantenaire de Caravelle avait suscité la publication de plusieurs ouvrages portant en titre le logotype de l’élégante « demoiselle des airs » qui marqua le retour de l’aéronautique civile française après l’éclipse de la Seconde Guerre mondiale. Caravelle ne fut pas qu’une réussite tant commerciale que technique ; le bel oiseau symbolise à lui seul aux yeux des Français toute une époque dans laquelle il laissa une profonde empreinte.
Pascale Monmarson-Frémont et Véronique Peyraud, toutes deux navigantes, ont volé sur Caravelle. Si leur ouvrage débute de façon classique par la genèse de l’appareil et ses premiers vols, elles abordent ensuite Caravelle d’une manière séduisante, délaissant l’aridité pour une approche vivante, montrant quels étaient les liens entre le premier biréacteur commercial français et son époque, tant par le texte que par une iconographie singulièrement originale.
Est-ce le propre des femmes que de voir ce que les hommes négligent ? C’est l’une des impressions laissées par ce livre qui, outre le fait qu’il ressemble à une ode à un superbe avion, s’évertue à placer celui-ci dans son époque. L’iconographie joue ici un rôle important, autant par l’espace qu’elle occupe que par son originalité. Les traditionnelles photographies se voient accompagnées de documents divers, affiches, notices destinées aux passagers, publicités, cartes postales, philatélie… Quant aux photos elles-mêmes, elles ne manquent pas de singularité : Jason le pélican embarquant par l’escalier arrière, une Caravelle de Renault posant côte à côte avec celle de Sud-Aviation, Alfred Hitchcock faisant le pitre… Jusqu’à un tout jeune Gérard Feldzer (actuel président du MAE) posant avec sa guitare folk.
Un peu de douceur dans un monde de brutes ? Si les aspects humains sont ici très présents et si le texte n’a pas la sécheresse des froides monographies, ce dernier ne relève pas pour autant de la fantaisie : le travail de documentation est appréciable. Même si ce livre « tient la route », le badinage n’en est pas absent, que ce soit dans le choix de certaines illustrations ou dans celui de quelques sujets où sont évoqués, par exemple, les uniformes des hôtesses, les jouets représentant Caravelle ou les « vedettes » qui voyagèrent à son bord.
Ne se prenant pas pour une monographie, Caravelle de Pascale Monmarson-Frémont et Véronique Peyraud marie le sérieux documentaire avec la fraîcheur et le charme. Cette Caravelle a été servie par une mise en page et une impression qui ne souffrent aucune critique. À mi-chemin entre le livre documentaire et le « beau livre », ce volume retiendra l’attention de celles et ceux qui aimèrent cet appareil si gracieux et ont envie de l’aborder différemment.
Philippe Ballarini
160 pages, 240 x 310 mm, relié + jaquette