Sous l’habituelle couverture cartonnée de la maison, on retrouve 232 pages de grand format, toujours avec ce papier de bonne qualité, fort appréciable pour mettre en valeur les photographies du volume.
On peut être surpris par le découpage entre les volumes, mais l’auteur a dû vouloir répartir équitablement la matière dont il disposait afin de publier deux tomes de même épaisseur. Le livre commence donc avec Market-Garden, en septembre 1944. Et on suit les pérégrinations de l’escadre, la couverture aérienne de la bataille des Ardennes, Bodenplatte, les missions d’attaque au sol en lieu et place de la chasse pure et la fin des Sturmjäger, le transfert de l’autre côté du pays, face à la Tchécoslovaquie, l’escorte des missions suicide puis le retour à la chasse pure dans les derniers jours du III. Reich.
On sent que le sujet n’était pas facile, à cause de la carence de documents d’archives, et de la rareté des survivants. Pour ces raisons, il a dû être difficile de trouver des correspondances entre pertes et revendications de chaque camp.
Ce qui m’a frappé en lisant cet ouvrage, c’est l’importance des pertes. Une véritable saignée, qui m’a fait penser à la boucherie de la Première Guerre mondiale. Pour la période étudiée, le bilan des pertes est immense, alors que les gains sont minces au regard de l’hécatombe. On apprend beaucoup, comme par exemple la présence de commissaires politiques dans les unités, ainsi que l’exécution de ceux qui osaient émettre un avis différent, notamment sur l’évolution de la guerre. Pour ma part, ce livre m’a fait réaliser à quel point nombre de pilotes étaient toujours portés disparus, enterrés sous le sol allemand dans leurs linceuls d’aluminium. Et que bien d’autres, qui avaient survécu après avoir été abattus en combat aérien, ne sont jamais revenus d’une captivité chez les Soviétiques.
Erik Mombeeck, en ayant recours aux témoignages des rares anciens, nous fait comprendre les sentiments humains qui animaient ces pilotes : le difficile amalgame des nouveaux et des anciens, les premiers peu expérimentés, avec une espérance de vie des plus réduites, et les « vieux lièvres » qui préféraient se « blinder », ne pas se lier d’amitiés, pour ne pas souffrir après. Combien de fois lit-on de la plume d’un pilote qu’il était le seul rescapé d’une section, d’une sortie ? J’ai eu le sentiment d’un gâchis, d’un brasier infernal qui brûlait tout ces jeunes pilotes comme il achevait de consumer le pays. La lecture de la lettre de Goering demandant à tous le sacrifice ultime pour le pays et pour l’idéologie, replacée dans le contexte humain dans lequel vivaient ces aviateurs, aide à comprendre un peu mieux cette période.
Comme de coutume, l’iconographie est riche. Elle montre bien sur les avions, mais surtout les pilotes. Ce sont majoritairement des aviateurs peu connus, dont la plupart n’ont pas survécu, et cet ouvrage constitue à mon sens un hommage que l’auteur a tenu à leur rendre. Les clichés sont bien légendés, au point que j’ai été fort surpris page 36, où la silhouette d’un B-24 sous le tir d’un chasseur allemand a été identifiée comme celle d’un B-17. Un changement d’illustration de dernière minute mais le texte original aurait été conservé ?
Tant dans l’espace et le temps, le positionnement de la JG 4 pourrait ne pas intéresser le lecteur français lambda. Mais le livre fournit un excellent éclairage sur ces derniers mois d’une Luftwaffe prise à la gorge, et qui n’avait aucun moyen d’échapper à son funeste sort
Les annexes comprennent la liste des commandants d’unités, les pertes pour la période allant du 13 septembre 1944 jusqu’à la fin de la guerre, ainsi que les revendications connues pour la même période et des profils couleurs. Le livre contient aussi un index onomastique, toujours pratique.
L’ouvrage, dont une autre des qualités est surtout d’être rédigé en français, est bien produit et mérite sa place sur les étagères de tous ceux s’intéressant à la période, à la Luftwaffe, au Messerschmitt Bf-109 ou au Focke-Wulf Fw-190.
Jocelyn Leclercq
232 pages, 21 x 29,7 cm, relié
Cet ouvrage fait suite à
Histoire de la JG 4 et de la Sturmstaffel 1 volume 1 (1942-1944)
