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Chronique d’un pilote ordinaire

Qui avons-nous sauvé ? Qui avons-nous tué ?
Paul-Henry Chombart de Lauwe

Ce n’est précisément pas un pilote ordinaire qui écrit ce témoignage qui aurait pu qu’être un parmi ceux de tous les autres évadés qui comme lui, se sont joints à la France Combattante. Cela constitue précisément l’une des difficultés de cette recension pour laquelle il est très difficile de s’affranchir de la personnalité du sociologue Paul-Henry Chombart de Lauwe. Une autre difficulté s’avère le manque quasi total de dates et de lieux précis où se déroulent les événements, comme si l’auteur voulait placer le récit hors du temps et en dehors de repères précis. Bref s’agirait-il d’un texte davantage destiné à un sociologue qu’à un historien, comme si les deux étaient dissociables ?

Chombart de Lauwe est né en août 1913. Parallèlement à ses études, il développe une passion pour l’aviation qui l’amène à passer son brevet de pilote à 18 ans. Il passe une licence de philosophie à la Sorbonne, puis un doctorat ès lettres et se spécialise dans les questions d’éducation.

Comme bien d’autres, l’auteur a cru pouvoir faire confiance au vieillard de Vichy pour redresser la France vaincue et il s’engage dans l’opération de reconquête qui passe par la fameuse École des Cadres d’Uriage. Il y rencontre notamment H. Beuve-Mery, l’abbé de Naurois, P. Dunoyer de Segonzac, E. Mounier, J.M. Jeanneney, J.M. Domenach… jusqu’a un jour de 1941 où l’amiral Darlan viendra exposer que les Alliés seront incapables de reconquérir l’Europe. L’esprit de la Résistance à cette néo-collaboration entre à Uriage et bien des élèves cadres choisiront de s’éloigner de cette relation privilégiée avec l’Allemagne. Déjà les camps de concentration créent l’horreur des humanistes de la reconstruction nationale. Chombart choisit l’exil et établit un réseau d’évasion qui le conduira via l’Espagne ; il est pour Noël 1942 à Madrid, puis Gibraltar vers la France Combattante. À Gibraltar il hésite entre l’Angleterre avec de Gaulle et l’Afrique du Nord avec Giraud. Il semble n’avoir confiance ni en l’un ni en l’autre mais a des relations avec le second.

En février 1943, on retrouve Chombart apprenti pilote au Maroc à Tadla où une école de pilotes de l’Armée de l’Air a été créée. Après des passages sur Morane 230 et Curtiss, il obtient son brevet mais s‘interroge sur la « bonne colonisation » à la Lyautey. Il en veut aussi à Churchill qui considère que la France serait devenue une petite nation et ferait d’avantage confiance à Roosevelt. Après avoir volé sur Airacobra et Spitfire, Chombart est envoyé à une école de la RAF à Sétif où il volera sur Spitfire, puis dans un groupe français aux portes d’Alger équipé des mêmes appareils. Là, il applique les consignes :  » throttle » : T comme train à rentrer, H comme hélice pour en régler le pas, R pour radio à brancher, O pour oxygène, T pour prévenir la tour, T pour tirer le couvre habitacle… Il s’interroge à nouveau sur les « bienfaits » de la colonisation à la Lyautey/de Foucauld, aux relations entre l’islam et le christianisme, à l’attitude des Pieds Noirs… Les premières missions de guerre mènent le pilote à la surveillance des convois en Méditerranée. Chombart retrouve Segonzac à Alger en mars 1944. Il le trouve complètement découragé par ses déboires pour éviter les déchirements dans la Résistance. Sa proposition alors de l’accompagner pour son retour en France est refusée. Le groupe est engagé en Corse, en Italie puis en Métropole. C’est alors la confrontation, l’incompréhension entre les Forces Françaises Combattantes et la Résistance, surtout avec ceux qui sont arrivés à la dernière heure. Enfin, l’union qui s’était établie entre « ceux qui croyaient au ciel et ceux qui n’y croyaient pas » pourra-t-elle durer ?

À la fin de la guerre, Chombart retourne à Uriage où il fait intervenir à la fois chrétiens et communistes maintenant au gouvernement. Il ne supporte plus l’Église telle qu’elle est, et l’expérience des prêtres ouvriers le séduit. Sa conclusion des années de guerre se résume en cette question : « Qu’avons-nous gagné, et qu’avons-nous perdu ? »

Le style est clair et les mots simples sont accessibles à tous. Le livre, plaisant à lire, met en valeur la richesse des contacts humains révélés par l’auteur.

Philippe Bauduin


224 pages, 15,5 x 23,5 cm, couverture souple
Préface de Marie-José Chombart de Lauwe

En bref

Éditions du Félin

ISBN 978-2-86645-658-0

19,90 €