Après, selon l’expression consacrée, neuf mois de belote, la guerre de 1939-40 entre dans sa phase opérationnelle : de quelques escarmouches isolées sur les frontières, on passe à de vraies attaques en profondeur sur le territoire français, pendant que les divisions blindées franchissent les infranchissables Ardennes. La chasse française, dont le meilleur chasseur est un Américain déjà obsolète nommé Curtiss H.75, va subir une lourde défaite malgré un courage cent fois loué. C’est l’histoire de Ciel de guerre, racontée comme beaucoup de récits de ce style du point de vue d’un jeune enthousiaste qui découvre, et le lecteur avec lui, la vie au front.
L’effort de documentation est notable et l’album ne souffre pas de grosse erreur, bien qu’il soit permis de douter qu’un pilote qui multiplie autant les bourdes de débutant (partir en chasse seul avec un régulateur en panne, suivre obstinément sa cible jusqu’à se laisser coiffer par un Messerschmitt Bf 109 ou accrocher des arbres…) survive à sa première semaine. L’ambiance est correctement retranscrite, entre état-major dépassé aux ordres flous, incompréhension réciproque et absence de synchronisation entre forces terrestres et aériennes, et même rivalité entre les pilotes issus de l’école populaire et leurs camarades issus de la noblesse et des écoles d’officiers. Le scénario souffre de quelques naïvetés, comme le débarquement fort opportun de la marraine de l’escadrille / cousine du héros, et ne change guère des récits habituels du genre ; il est cependant plutôt bien construit et nous regrettons surtout les dialogues très écrits (symbolisés par les appels radio qui commencent par des « allô allô » que nous n’avions pas vus depuis Le secret de l’Espadon).
Ce n’est d’ailleurs pas le seul point qui rappelle vaguement Edgar P. Jacobs : certains détails, notamment les intérieurs et l’encrage des visages, font furieusement penser à Blake et Mortimer, ainsi que la large profusion de dialogues. Cette impression disparaît cependant dès que l’on prend l’air, Olivier Dauger faisant preuve d’un dessin précis et fluide, bien renforcé par un bon usage des filés et des cadrages dynamiques. Un peu statique au sol (qu’il s’agisse d’escapades équestres ou de garden-parties rurales), le graphisme devient fort agréable une fois en vol.
Ainsi, sans être un chef-d’œuvre, Les diables rouges s’avère un album plutôt réussi, qui peut être une bonne introduction à la « drôle de guerre » et à la bataille de France.
Franck Mée
56 pages, 24 x 32 cm, relié couverture cartonnée
Les albums de la série Ciel de guerre
Avec l’aimable autorisation de © Éditions Paquet
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