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Ciels de combat

Témoignages inédits de pilotes de chasse
Benjamin Vinot Préfontaine – Frédéric Lert

 Coup de cœur 2019 

 


Nimrod récidive et poursuit l’exploration de sa ligne éditoriale, les témoignages bruts des « opérationnels » du XXIe siècle. Ce nouveau livre n’est pas le récit d’un unique pilote. Benjamin Vinot-Préfontaine a bien usé ses combinaisons de vol sur les sièges des Mirage F1 de l’armée de l’Air, mais aussi sur ceux des Super-Étendard de la Marine lors d’un échange ; au-delà de ses propres souvenirs, il est surtout allé à la rencontre de ses collègues, identifiés seulement par leur indicatif personnel, pour leur demander de raconter leur métier et leurs missions les plus marquantes. Pour la mise en forme de ces témoignages, il s’est adjoint, lui aussi, le talent du journaliste Frédéric Lert et le résultat est simplement… parfait*.

Ces aventures sont contées comme on pourrait les entendre en fin de journée dans les différentes « salles de repos » des unités opérationnelles, quand les pilotes discutent entre eux, entre professionnels, laissant de côté l’éventuelle forfanterie que la présence d’un civil ou d’un étranger au sérail pourrait entraîner. Des moments d’une importance cruciale mais aussi un plaisir gourmand pour ceux qui ont eu la chance de s’y glisser parfois… Voilà ce que ce livre vous propose !

Même si ces récits sont présentés dans l’ordre logique qui couvre les différentes étapes de la progression professionnelle d’un chasseur de l’armée de l’air (école, premier escadron — gaffe au bahutage ! — premières qualifications opérationnelles, missions de guerre, commandement et dernier vol en avion de combat) leur intérêt va largement au delà de la simple présentation d’un métier. Les missions de guerre, les plus marquantes, constituent l’ossature de ce recueil avec au menu les Balkans, l’Afrique centrale, l’Afghanistan, la Libye, le Mali, le Levant, Jaguar, Mirage F1 ou 2000, Rafale et un tout petit peu de Super-Étendard.

Les mots sont directs, crus, francs, parfois durs mais toujours sans aucune concession. Les considérations sont parfois brutales. On croise la mort, on la tutoie. On pleure parfois des copains et au milieu de tout ça, quelques moments tragi-comiques, voire carrément burlesques ! Les pilotes impliqués racontent avec leurs mots, leur vocabulaire propre (et les notes en bas de page sont d’une aide souvent précieuse), un métier un peu dingue où il faut à la fois disposer d’un ego monstrueux tout en étant capable de faire montre de la plus grande des humilités face aux anciens, aux évènements, aux machines imprévisibles, aux éléments.

Pas d’hypocrisie ici ; des missions réussies dont le déroulement fut parfait suivent d’autres plus chaotiques, plus complexes, voire carrément ratées, de situations tactiques inextricables en pannes sévères ; tous l’éventail des avanies que connaissent ces aviateurs sont là. Leurs réussites aussi. Certains vols se terminent mal, l’accident, l’éjection, font aussi partie du métier tous comme les « dégagements » insensés. Ces quelques douzaines d’histoires sont vives, rythmées, percutantes. Comme pour les précédents livres de la collection, c’est cette authenticité, ce ton particulier adopté par ceux qui « en sont », qui entraînent le lecteur.

On retrouve là même une certaine tradition de l’histoire orale, et même si ces aviateurs n’en n’ont pas forcément conscience, ils nous livrent là des témoignages qu’il faudra relire dans quelques années lorsqu’on s’interrogera sur la façon dont ils ont combattu, témoignages qui constitueront une matière précieuse pour les historiens du futur. Ils nous plongent au cœur de la « Meute » et cette succession d’histoires intenses, variées et passionnantes, nous offrent tout ce qu’on attend d’un livre : des informations et un plaisir de lecture indéniable. Il est difficile de lâcher Ciels de combat une fois qu’on l’a entamé.

Il n’est donc pas envisageable de faire l’économie d’un coup de cœur. Mais il faut que ce message soit aussi adressé à l’éditeur, aux deux coauteurs et coordinateurs éditoriaux, ainsi qu’à leurs collègues des forces : des histoires comme celles-ci, passionnantes et éclairantes, il y en a aussi chez vos collègues du transport ou des hélicos, dans la Marine ou dans l’ALAT, allez à leur rencontre, faites-les aussi parler, et faites-nous la suite. Vite !!!

Frédéric Marsaly


384 pages, 15 x 23 cm, broché, 493 grammes


* la perfection n’étant pas de ce monde, admettons qu’un cahier photos est peut-être le seul manque à ce livre, et c’est parfaitement… anecdotique !


NDLA : Pourquoi Ciels de combat et non pas Cieux de combat ? L’éditeur l’explique : «  Nous exploitons les finesses de la langue française : Ciel a deux pluriels qui s’emploient dans des contextes différents : ciels et cieux. On parle de cieux dans la langue religieuse, lorsqu’il est question du paradis… Et comme tous les pilotes ne sont pas des saints…  »

En bref
Éditions Nimrod ISBN 978-2-37753-018-2 23 €