Dramatique : c’est le seul mot qui puisse venir à l’esprit à l’issue de la lecture de cet ouvrage, dramatique par les événements qu’il relate : une collision en vol entre un Toupolev Tu154 russe et un Boeing 757 de DHL ; dramatique encore, parce que les 71 victimes de cette nuit-là étaient en majorité des enfants d’Ossétie qui partaient en vacances. Dramatique enfin, parce qu’un père désemparé a poignardé le jeune contrôleur aérien en poste au soir du 1er juillet 2002, la responsabilité de ce dernier ayant été avancée… peut-être trop rapidement.
Seul à son poste, le contrôleur s’est retrouvé confronté, alors qu’il était seul, à un nombre effroyable de facteurs extérieurs qui l’ont amené à donner un ordre fatal à l’équipage russe. Le détail de ces éléments donne le vertige et laisse finalement penser qu’il s’en fallait vraiment de si peu pour que cette nuit-là n’entre jamais dans l’histoire de l’aviation : juste une ligne téléphonique en état de marche.
Ariane Perret, grand reporter, narre par le détail comment elle s’est plongée dans ce dossier, ses rencontres avec les protagonistes et ses découvertes successives, insistant – de façon peut-être un peu appuyée – sur les aspects les plus bouleversants de ce drame humain. Sans être spécialiste de l’aviation, elle parvient néanmoins à se montrer convaincante dans son enquête technique, laquelle s’avère être un accablant dossier à charge pour Skyguide. L’auteur brosse un tableau assez noir de cette société privée suisse de contrôle aérien responsable de cette partie du ciel, pointant du doigt sa politique de réduction des coûts et de gestion du personnel, ainsi que – et surtout – la déficience de son service communication qui l’a rendue plus coupable encore aux yeux des familles des victimes.
A-t-elle touché du doigt l’origine des multiples dysfonctionnements qui ont précipité les deux avions l’un contre l’autre ce soir là ? Peut-être. Mais à l’instar d’autres affaires semblables, et bien que l’instruction judiciaire soit encore en cours, il est possible que les décisions judiciaires qui seront prononcées ne mettront pas fin aux polémiques…
Il s’en fallait de tellement peu…
Frédéric Marsaly
272 pages, 14 x 22,5 cm, couverture souple