Ne vous y trompez pas : malgré son sujet et sa couverture, Comics en guerre a un contenu des plus sérieux. L’auteur, Xavier Fournier, est un éminent spécialiste des comics américains. Dans un ouvrage étonnant, il étudie la naissance et l’évolution des super-héros pendant la Seconde Guerre mondiale. Et ce n’est pas aussi simple ni aussi linéaire que l’on pourrait se l’imaginer. En effet, souvenons-nous qu’avant Pearl Harbor, les USA étaient isolationnistes : il fallut le « jour d’infamie » du 7 décembre 1941 (suivi de près par la déclaration de guerre d’Adolf Hitler) pour que Washington abandonne sa très officielle neutralité. Les super-héros, quant à eux, n’avaient pas attendu et étaient intervenus dès le printemps de l’année 1940, pendant la « Drôle de guerre ». Ce qui avait amené certains à penser — de façon erronée — que l’élan patriotique des auteurs de comics était le fruit d’injonctions émanant d’un président Roosevelt pressé de rompre avec une politique qui lui liait les mains.
Depuis les prémices où, bien imprudemment, un comic-book annonce que les USA sont prêts (ce qui est loin d’être le cas), jusqu’au retour des vétérans après l’explosion des deux bombes atomiques d’Hiroshima et Nagasaki, les super-héros sont sur tous les fronts, ce que l’auteur détaille en suivant un découpage judicieux en sept chapitres, évoquant chacun un théâtre d’opérations ou une campagne. Trois « interludes » — l’aviation, la Navy, la Croix-Rouge ― viennent s’intercaler. Au milieu de héros de fantaisie comme l’inamovible Superman, Captain America ou encore Human Torch, on trouve Lucie Aubrac, James Doolittle, Leclerc, de Gaulle… Visiblement, tout était bon, pourvu qu’on « casse la gueule » à Hitler et aux « Japs ».
Les analyses sont pertinentes et, le sujet aidant, elles ne sont nullement rébarbatives. En particulier, elles permettent de jeter un regard neuf sur des personnages fantastiques que l’on croyait connaître. L’auteur étant, outre un érudit en la matière, un collectionneur émérite, il a pu illustrer son propos de très nombreuses illustrations (en couleur). Et pas au format « timbre-poste » : un bon nombre sont en pleine page. Cela permettra au lecteur de commencer par feuilleter cet ouvrage, se régalant de la variété des images (et de l’excellence de leur reproduction) avant de s’atteler à une lecture consciencieuse… et passionnante. L’importance accordée à l’iconographie semble avoir amené l’éditeur à utiliser une taille vraiment réduite pour les caractères : papys et mamies, n’oubliez pas vos lunettes (même si l’utilisation de caractères à empattement facilite la lecture).
Voilà un livre qui n’est certes pas « aéro » à 100%, mais qui aborde un sujet d’une rare originalité, traité avec maestria et fort bien mis en valeur par l’éditeur.
Philippe Ballarini
176 pages, 23,50 cm x 32 cm, relié
1,937 kg
Avec l’aimable autorisation de
© Histoire & Collections
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