Concorde : avion quasiment unique au destin sans pareil.
André Turcat : homme affable, à la carrière singulière, notamment pour en avoir été l’un des principaux pilotes d’essais du précédent.
Si le second a le sentiment d’avoir été popularisé à l’excès, convaincu que d’autres avaient la carrure du rôle, le premier est incontestablement l’un des avions les plus marquants de l’histoire, fascinant la plupart, mais ne laissant pas indifférent même les moins intéressés par la chose aéronautique. Ceci sans doute par sa silhouette pratiquement unique, sa capacité à transporter au-delà de la vitesse du son plus qu’un simple équipage, comme se contentent de le faire les jets militaires, mais aussi par les embûches qu’il eut à surmonter du fait de sa genèse bi-nationale, de la part ses concurrents avortés et du contexte économique. Un mélange détonnant qui ne l’empêcha pas d’être l’étendard du transport commercial mondial durant plusieurs décennies.
En 1977, André Turcat prit la plume pour soulever le voile du rêve dans lequel baignait Concorde afin de faire toucher du doigt la réalité souvent ignorée du plus grand nombre (ou si vite oubliée de bien des passionnés). Car Concorde, au-delà des clichés « commerciaux » n’était pas qu’une prouesse technique, mais bien davantage qu’un précurseur (à ce point que rien n’est prochainement en mesure de lui succéder).
En quoi Concorde, avion civil, dépassait les avions militaires les plus récents ; pourquoi sa réussite ne tenait pas en la simple beauté de ses lignes, en la maîtrise de ce que les Américains ne parvinrent pas à concrétiser et en quoi les Soviétiques ne parvinrent pas à appliquer le fruit de leurs études. Comment ce fruit dépendait d’un travail étroit entre les bureaux d’études, les ateliers, la « piste » et les équipages, de deux nations appelées à coopérer dans des circonstances politiques parfois bancales, et en soulignant pourquoi bien des arguments opposés à ce projet, dès les premières études jusqu’à sa totale exploitation manquaient de perspicacité, André Turcat manie le verbe avec délice pour se faire l’infatigable défenseur du bisonique franco-britannique.
Depuis, ces lignes, qui désacralisent le rôle du pilote d’essais en rétablissant l’essence et l’esprit du métier, n’ont pas pris une ride. Toutefois, l’auteur s’est penché à nouveau sur son ouvrage suite à l’accident du 25 juillet 2000 pour nous livrer –alors- un point de vue personnel, en amont des conclusions officielles.
Une seconde postface propre à cette édition ouvre une réflexion sur l’épopée du Concorde, le transport supersonique et la question de l’avenir de ce mode de transport.
Certes, André Turcat y développe son point de vue et il appartiendra au lecteur d’y adhérer ou de penser différemment, mais toujours avec la déception de ne pouvoir le faire de vive voix avec ce Monsieur à la raison égalant l’enthousiasme, qualité trop rare en ce monde.
Centré sur le monde des essais et des batailles qui en découlèrent avant la mise en service commercial, l’auteur s’en tient à ce domaine déjà riche d’anecdotes et d’enseignements tant pour le profane que pour l’amateur éclairé.
François Ribailly
384 pages, 15 x 24 cm, broché
Cahier photos 12 pages, 20 clichés couleur