Alain Pelletier a le chic pour proposer des ouvrages dont le thème s’éloigne un peu des sentiers battus. Le voilà qui récidive avec un livre qui a largement de quoi susciter l’intérêt, d’autant plus que cette fois encore le sujet est — comme d’habitude, serait-on tenté d’écrire — traité avec maîtrise et que l’éditeur ETAI a, une fois de plus, réussi à faire de ce livre essentiellement documentaire un « beau livre », de ceux que l’on manipule avec grand plaisir.
À peine l’avion commençait-il à voler que des prix et des concours furent mis en place. Ce fut à celui qui volait le plus longtemps, le plus loin, le plus haut, le plus vite… Les « courses » à proprement parler suivirent très vite les simples meetings (lesquels n’étaient généralement que d’aimables rassemblements) : à peine Henri Farman eût-il, en 1908, réussi à boucler le premier kilomètre en circuit fermé, que l’année suivante la première grande course aérienne, la Coupe Gordon Bennett ouvrait le bal des grand prix aériens, lesquels brassèrent des foules énormes. De la même manière, il est époustouflant de voir comment, deux ans à peine après le premier vol d’Henri Fabre* naissait la « reine des courses » : le trophée Schneider qui, de 1912 à 1931, vit s’affronter des machines propulsées par des moteurs de plusieurs milliers de chevaux, tels le Macchi-Castoldi M.C.72 ou le Supermarine S.6B (qui préfigurait le Spitfire).
Au sortir de la Grande Guerre, la France était le pays de l’aviation par excellence, avec l’industrie aéronautique la plus puissante au monde. Il était donc logique que, de « berceau de l’aviation », elle fasse son possible pour demeurer « nation aéronautique » de premier plan. Alain Pelletier aurait pu se contenter, comme c’est souvent las cas, de s’appesantir exclusivement sur les compétitions maîtresses telles que le Prix Deutsch de la Meurthe (1912-1920) et la Coupe du même nom ; il a préféré laisser une place significative à d’autres compétitions un peu moins célèbres (Coupes Louis Beaumont, Hélène Boucher, Armand Esders, 12 heures d’Angers).
L’auteur n’étant pas de nature cocardière, il consacre ensuite deux chapitres, l’un aux grands prix du Royaume-Uni, l’autre aux courses des USA (dont les fameuses National Races). Circuit de plus de 1500 km pour les uns, courses « aux pylônes » pour les autres… il y en a pour tous les goûts, d’autant plus qu’un sixième chapitre intitulé Les autres courses bat le rappel de compétions à longue distance, telles que Londres-Melbourne de 1934 ou Istres-Damas-Paris de 1937.
Alain Pelletier ne s’est pas limité aux compétitions les plus célèbres : il a évoqué un nombre non négligeable de courses qui, tout en étant moins notoires, ont déplacé les foules. L’iconographie s’avère d’une richesse certaine : photographies reproduites avec soin, mini-plans trois-vues, cartes colorées, écorchés d’appareils… tout est bien là, sans oublier les tableaux de classement. On notera en annexe un panorama des courses aériennes de 1909 à 1939*, un calendrier général des courses ainsi qu’une galerie de portraits de motoristes, avionneurs ou pilotes. Ni la bibliographie ni le glossaire des sigles et abréviations n’ont été oubliés.
L’ensemble est présenté avec clarté sur un très beau papier glacé, dans une mise en page aérée (sans excès). Voilà un livre qui allie traitement sérieux d’un sujet plutôt original et qualité de l’impression et du façonnage. Un livre recommandable.
Philippe Ballarini
176 pages, 24,7 x 29,6 cm, relié + jaquette
1,179 kg
* Le 28 mars 1910, Henri Fabre effectuait le premier vol d’un « hydroplane » de sa construction, gracile premier hydravion
* On prendra bien en compte le fait que la période concernée par cet ouvrage s’arrête en 1939