Ouvrage épuisé
Le 10 mai 1940 le IIIe Reich attaque à l’Ouest. Les Panzer de Rommel et de Guderian déboulent sur la France. À la mi-juin 1940 le Doubs est envahi. La résistance de certaines troupes, comme les spahis d’Avoudrey, n’y changent rien : la Débâcle impose la signature de l’Armistice à Rethondes, dans le wagon de 1918. L’exode des populations est massif. Les conventions d’Armistice installent la pénurie, les restrictions, les tickets de rationnement, et aussi le marché noir. Le vaincu doit verser chaque semaine 10 000 têtes de bétail, 1 000 tonnes de beurre, 70 000 tonnes de charbon… Le couvre-feu s’instaure partout. Les réquisitions touchent les céréales et les bestiaux, mais aussi les bicyclettes, les voitures (bientôt au gazogène), dans un pays pillé par l’occupant. Le STO envoie les travailleurs en Allemagne, la chasse est interdite. Les rebelles, les insoumis, les juifs, les Résistants, sont pourchassés et déportés : malheur aux vaincus !
Très vite les rumeurs d’un fléchissement de l’Allemagne se répandent devant les victoires de plus en plus nombreuses des Alliés. Elles sont rapportées par la radio suisse qui a monté sa puissance pour diffuser jusque dans le Doubs. Des bombardiers américains et britanniques survolent chaque jour le territoire français et plus loin. Jusqu’au jour où un B-17 du 452e Groupe de Bombardement lourd américain se pose en catastrophe près d’Avoudrey, victime de problèmes mécaniques, le 27 mai 1944.
Philippe Guillerey, en recueillant le témoignage de l’un des membres de cet équipage, Martin A. Smith, ancien mitrailleur de queue, nous livre la véritable saga des bombardiers de la 8th Air Force basée en Angleterre. Crash pour la liberté nous fait découvrir la formation des équipages en Amérique, puis leur entraînement avant les premières missions de guerre sur la France et l’Allemagne, en groupe précédé des célèbres Pathfinder (avions-guides). Le récit de plusieurs opérations laisse pantois par l’extrême violence des engagements et les risques fous pris pour délivrer quelques tonnes de bombes lors de vols approchant les dix heures.
On découvre l’exiguïté des places à bord, surtout celles des mitrailleurs de queue, l’équipement contre le froid en altitude (combinaison chauffante, bottes fourrées pour résister à plus de 7000 mètres d’altitude) les sur-vestes anti-éclats, si lourdes à porter, pour se mettre à l’abri de la Flak et des tirs des chasseurs. Il y a aussi la peur du début à la fin, chacun étant isolé dans sa partie de fuselage, relié aux autres par son seul laryngophone et le téléphone de bord. On comprend les longs préparatifs du vol où l’armement de 7,7 et de 12,7 est à chaque fois repositionné dans l’avion, le délicat chargement des bombes, les pleins en carburant pour voler longtemps, jusqu’au décollage avion lourd (parfois raté). Après, c’est l’attente à scruter le ciel pour apercevoir le petit point noir du chasseur ennemi qu’il faudra abattre coûte que coûte. Puis, tout explose et la mort entre en scène dans un horrible fracas. On ressent les soubresauts terrifiants de l’appareil, matraqué soudain par la DCA qui crible le fuselage, déchiquette l’avion voisin, dont l’une des ailes déchirées vous évite de peu. On voit tomber en flammes certains appareils, des morceaux d’avions, des corps inertes et sanguinolents éjectés passant tout près, à les reconnaître, et s’ouvrir enfin des parachutes beaucoup plus bas, quand cette dernière chance est donnée aux équipages abattus.
Les différents profils de mission avec ou sans protection de chasseurs, la difficulté d’identifier les objectifs et l’imprécision des bombardements, les procédures de survie en cas d’abandon de bord, les techniques d’amerrissage, les dispositions à prendre en cas de capture, tout est expliqué, jusqu’aux trois photos d’identité emportées pour d’éventuels faux papiers.
De longues lignes sont consacrées aux difficultés du retour sur un avion endommagé, contraint d’amerrir dans la Manche, et heureusement récupérer par les sauveteurs britanniques.
Martin A. Smith raconte aussi sa capture par une patrouille allemande, juste après l’atterrissage forcé de son B-17 à Avoudrey, et sa vie de prisonnier tenaillé par la faim et l’ennui. Son récit passionnant nous emporte sans mal vers son glorieux passé, quand les aviateurs américains étaient venus nous prêter main-forte avec courage et abnégation.
Richard Feeser
224 pages, 160 x 240 mm, couverture souple