Ouvrage épuisé
Coup de cœur 2006 |
La littérature aéronautique francophone traitant de l’aviation de la Seconde Guerre mondiale regorge d’ouvrages sur la RAF, l’USAAF, la Luftwaffe… Elle se montre avare, si l’on excepte quelques livres remarquables, sur le sujet de ces aviations militaires qui, même si elles ne jouèrent pas un rôle décisif, vinrent prêter main-forte à la Lufwaffe de diverses manières. Dans la tourmente, nombreux furent les pays qui, de façon plus ou moins durable, virent leur aviation en position d’allié de la Luftwaffe : allié déclaré pour certains, allié objectif ou de facto pour d’autres. Si parfois les ennemis étaient communs, les motifs des ces prises de position étaient loin d’être semblables : entre l’alliance militaire formelle de l’Italie de Mussolini et le ressentiment de la France de Vichy après Mers-el-Kébir, la place est vaste pour des raisons diverses, où l’on retrouve entre autres la haine des Soviétiques, de la rancœur datant du Traité de Versailles ou de simples intérêts nationaux.
Pour Dans le ciel d’Europe, Hans Werner Neulen a profité de l’ouverture de certaines archives des ex-pays de l’Est, ce qui lui a permis de rompre avec l’historiographie de l’héritage stalinien. Ce « tour d’Europe » aborde de façon successive chacun de ces pays, avec un apparent decrescendo dans l’implication des diverses armées aériennes. Les chapitres ne se limitent pas à un simple exposé des opérations, mais exposent avec clarté et pertinence les divers aspects sous-jacents, politiques, économiques, matériels ou stratégiques, donnant ainsi une vue d’ensemble intelligible de ce qui ressemble a priori à un bel embrouillamini. La dernière partie est consacrée au personnel étranger ayant volé dans la Luftwaffe : pas moins de neuf nationalités.
Le résultat est magistral, car outre la connaissance, ce livre apporte la compréhension, pour un sujet qui ne manque pas de complexité et de variété. L’ouvrage est écrit en français bel et bon, fluide et agréable à lire, gage d’un excellent travail de la part du traducteur. Si ce livre n’est pas irremplaçable, il a pour qualités, outre l’excellence de l’étude de Hans Werner Neulen, le fait de réunir en un seul volume différentes forces aériennes généralement négligées, et d’aider grandement à une meilleure vision d’ensemble, non seulement du conflit en tant que tel, mais de ses prémices et de ses conséquences au niveau européen.
Dans le ciel d’Europe est la traduction de Am Himmel Europas, publié en 1998 par Universitas Verlag, et avait fait l’objet d’une version anglaise In the skies of Europe chez Crowood en 2005. La version française est la bienvenue, d’autant plus que le nombre de ses illustrations est sans commune mesure avec celle des éditions non-francophones (plus de 280 photos et 34 pages de profils). À la première publication, certains lecteurs s’étaient émus de voir figurer l’armée de l’Air de l’Armistice en tant que force aérienne « associée à la Luftwaffe » (sic). Dans son avant-propos, l’éditeur s’en explique, atténuant l’effet désagréable procuré par la présence dans un même ouvrage des cocardes françaises de Vichy côtoyant des aviations ayant combattu en opérations aux côtés de la Luftwaffe. Ce n’est certes pas le propos de l’auteur que de réaliser un amalgame hasardeux entre toutes ces forces aériennes qui, pour des raisons variées et selon des modalités différentes, ont livré des combats aux Alliés.
Philippe Ballarini
288 pages, 210 x 29,7 mm (A4), relié, couverture cartonnée
– Coup de cœur 2006 de l’Aérobibliothèque