Entre Épictète et Ermold le Noir, c’est là que vous pourrez trouver Brice Erbland dans la liste des auteurs publiés par Les Belles Lettres telle qu’elle figure sur leur site. Donc, entre un philosophe stoïcien et un poète contemporain de Pépin le Bref figure un pilote d’hélicoptère Tigre ! C’est une situation étonnante de prime abord, mais une fois le livre refermé (il n’est pas très long, c’est là peut-être son seul défaut) finalement, cela n’a plus rien de surprenant.
Dans les griffes du Tigre n’est pas qu’un simple récit guerrier, même si les souvenirs de l’auteur représentent une partie importante du livre. Plutôt que de nous confier l’intégralité de ses mémoires, Brice Erbland a sélectionné quelques missions qu’il a effectuées en Afghanistan et en Libye et qui l’ont particulièrement marqué. Elles éclairent surtout les thèmes qu’il avait envie d’aborder. Les relations avec le commandement, la peur, la mort — celle qu’on donne, celle qu’on peut recevoir — l’audace, tout ce qui constitue la nature même du militaire, du soldat, confronté à la guerre. Les analyses de l’auteur se nourrissent ainsi de son expérience du combat.
Mais ce n’est pas tout d’être un professionnel réfléchi capable de porter une analyse sur son métier, encore faut-il être capable d’être accessible. Avec un livre publié par « Les Belles Lettres », on est en droit de s’attendre alors à un texte bien construit et parfaitement écrit ; c’est en effet le cas. Une des belles surprises de ce livre.
Mais l’intérêt majeur des récits de Brice Erbland est de nous plonger au cœur du cockpit d’un Tigre engagé lors de missions d’appui des troupes de la coalition en Afghanistan, ou bien en mission offensive contre les troupes fidèles à Kadhafi. Deux théâtres d’opérations bien différents et où l’ALAT a démontré avec force son efficacité et son professionnalisme. À ce titre, on ne peut qu’être frappé par la mission relatée dans le chapitre X du livre. En septembre 2011, en Libye , deux Tigre, dont celui de l’auteur, sont engagés près de Bani Wallid. Ils détruisent une quinzaine de véhicules ennemis au cours d’un affrontement nocturne qui a seulement duré 27 minutes. Rarement la complexité des engagements modernes – où la réussite de la mission passe tout autant par le soin apporté à sa planification qu’au talent des équipages – n’aura été décrite avec une telle fidélité et une telle intensité.
Aujourd’hui, Brice Erbland est peut-être encore en Afrique, du côté du Mali, en train d’écrire d’autres pages d’histoire aux commandes du système d’arme de son hélicoptère. Rien de surprenant. Le dernier mot de la dernière page de son livre c’est : « J’y retourne ! »
Derrière une couverture un peu déroutante se cache donc un ouvrage majeur.
Frédéric Marsaly
108 pages, 12 x 19 cm, broché
– Préface de Jean Guisnel