Claude Goumy, qui accéda aux plus hautes fonctions chez MATRA et qui fut un des acteurs majeurs de la course à l’espace en France et en Europe, a réuni dans ce livre de souvenirs de nombreux éléments de sa vie, personnelle en partie, mais surtout professionnelle.
Issu de grands-parents paysans, de parents instituteurs, pour devenir lui-même ingénieur après de brillantes études, il a été l’exemple même des vertus de l’ascenseur social. Dans l’industrie, où il se dépensa sans compter, il continua son ascension en passant d’ingénieur à responsable système, chef de département, directeur du centre MATRA Toulouse à son implantation, PDG de MATRA espace puis, à son apogée, de Matra Marconi Space. Ensuite, après 30 ans consacrés à cette compagnie, tout commença à s’ébrécher lorsqu’entrèrent en jeu les affres de la rentabilité, les dividendes des actionnaires, les plans sociaux et les licenciements à gérer, avec finalement sa propre mise à l’écart, et sa reconversion vers d’autres projets.
Ce livre est une mine de renseignements pour les futurs historiens de l’Espace, au point d’être parfois un catalogue trop touffu, criblé de sigles et d’acronymes dont la compréhension, si elle n’est pas difficile avec même un index présent en fin d’ouvrage, est parfois intense à retenir pour le profane. Claude Goumy n’oublie pas de citer de nombreux partenaires et collaborateurs.
L’ouvrage est édifiant, et sa lecture devrait être obligatoire pour bien des élèves ingénieurs, qui ne savent pas forcément ce que la vie leur apportera. Pour leur expliquer que leur excellence professionnelle peut les amener dans les plus hautes sphères, où on leur demandera alors moins une grande technicité qu’une compréhension plus large des tenants et aboutissants des marchés. Mais aussi pour leur rappeler de ne pas négliger leur famille, leur entourage et leur santé pour ne pas le regretter un jour.
Le style est agréable à lire, témoin d’une époque où l’on préférait écrire en se relisant pour éviter les fautes, seules très peu, dont un « Bréguet » accentué page 39, semblent avoir échappé au filtre. Et pour notre plaisir une époque où l’on savait glisser des « consortia » à bon escient. Les « MATRAciens » font sourire le lecteur comme ils ont dû amuser les intéressés, et l’acronyme SPOT revu en « Satellite Pour Occuper Toulouse » est jubilatoire. De nombreuses anecdotes sont racontées, je n’en reprendrai qu’une car terriblement frustrante. Nous sommes page 41 :
« Par contre je peux citer une anecdote que j’ai vécue directement en juin 1967 lors d’une visite au centre spatial Goddard de la NASA à Washington. Cette réunion programmée à 10h avait pour objet la mise en place du contrat de fourniture du lanceur Thor-Delta […]. Une équipe d’une quinzaine de personnes, sous la conduite du directeur de l’ESTEC et rassemblant les chefs de projets de l’ESTEC et de MATRA et leurs experts concernés, dont moi-même au titre des interfaces électriques et radio électriques au champ de tir et au lancement, avait fait ce voyage transatlantique et avait passé la nuit dans le bel hôtel Sheraton. Le professeur X. dont je tairai le nom par indulgence, qui disait connaître ce centre de Goddard, nous… »
Et là, page 42, une feuille blanche, vierge… Nous ne saurons jamais.
Rassurez-vous, c’est la seule, et peut-être que mon exemplaire fut le seul mal encré car l’association éditrice m’a fait parvenir par la suite une copie de cette feuille pour que je sois « à la page » et j’ai fini par savoir…
Les photos, elles, sont nombreuses, en noir & blanc comme en couleur, peut-être seulement un peu desservies par une impression du type « imprimante laser sur papier normal ». Elles sont en tous cas très suffisantes pour illustrer l’ouvrage.
Claude Goumy termine son ouvrage en nous présentant sa vision de l’avenir spatial.
En conclusion, nous retiendrons le grand intérêt de ce récit qui met en scène la saga des entreprises du spatial françaises, européennes, voire mondiales, du milieu des années 60 au début des années 2000. Et, comme un clin d’œil de l’auteur, nous saurons qu’une existence, partant de la Creuse, peut ensuite être bien remplie.
Jean-Noël Violette
246 pages, 15 x 21 cm, couverture souple
0,366 kg
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