Chalais-Meudon est probablement l’un des premiers sites aménagés spécialement pour l’aéronautique et sans doute le plus ancien encore en activité. On peut même considérer qu’il reprend la tradition de l’atelier-école d’aérostation établi sous la Première République dans le château de Meudon tout proche, dans le parc duquel ce nouvel arsenal aéronautique est installé en 1877.
La bibliographie consacrée au lieu est relativement importante, tant à travers les ouvrages généraux traitant des débuts de la Navigation Aérienne que dans quelques monographies à la diffusion plus confidentielles, tous ces travaux insistant sur les recherches aérostatiques de la fin du XIXe siècle, les essais de Ferdinand Ferber, les “saucisses” d’Albert Cacquot, et pour généralement terminer par la construction de la grande soufflerie subsonique en 1929, lancée à l’instigation du précédent, dont on ne dira jamais assez l’importance dans l’histoire aéronautique de notre pays.
Nous avons déjà eu l’occasion de signaler à propos d’un récent ouvrage consacré au terrain de Lyon-Bron qu’il ne faut pas oublier que le champ de l’histoire aéronautique s’est allongé du double depuis son réel développement à la fin des années cinquante, pour englober ce qui longtemps nous a paru faire encore partie de l’actualité. De ce point de vue, l’ouvrage publié ici par l’ONERA* arrive à point, en reprenant le cours de l’Histoire là où les ouvrages déjà paru l’avaient généralement laissé, c’est à dire lorsque la fameuse Grande Soufflerie fut mise en service, marquant l’apparition de la recherche aérodynamique à Chalais-Meudon, en même temps que son instigateur Albert Cacquot prenait un certain nombre de décisions importantes qui donneront naissance à cette nouvelle génération d’ingénieurs (les Bonte, Sartre, Servanty, etc…) à l’origine du renouveau de l’industrie française après 1945.
Sans équations ni théorèmes (c’est là un ouvrage destiné à un public large), les auteurs nous guident dans les coulisses de la recherche qui accompagné le développement d’appareils qui nous sont familiers, du Mirage au projet Hermès en passant bien sûr par le Concorde, d’une manière qui nous permet de bien comprendre quels furent les enjeux technologiques de chaque étape de cette histoire récente. Après la Grande Soufflerie, on assiste à l’arrivée de la plus petite S2ch (pour « Soufflerie n° 2 Chalais-Meudon »), déménagée d’Issy les Moulineaux où elle avait été construite par Gustave Eiffel et qui révélera plus tard toute son potentiel au service de l’hélicoptère. Suivent une batterie de souffleries encore plus petites, nécessaires à la compréhension des mystères de l’écoulement supersonique. Si l’on peut faire un seul reproche, il aurait peut-être été utile de décrire de manière succincte ce qui se passe alors dans les autres établissements de l’ONERA.
Le récit chronologique est régulièrement coupé de témoignages qui le rendent plus vivant et le tout est présenté dans un format et une mise en page agréables, accompagné de bonnes illustrations. On ne peut que recommander un ouvrage qui nous fait pénétrer dans l’un des haut lieux de la technologie qui doit dans les prochaines années accueillir l’ensemble des activités de recherche aérodynamique fondamentale de l’ONERA, mais auquel la présence de ces témoins de passé que sont la Grande Soufflerie et le Hangar Y (celui du « La France ») donnent un caractère particulier qui déjà n’échappait pas au visiteurs du Musée de l’Air avant que celui-ci ne parte pour le Bourget…
(*) Office National d’Études et de Recherches Aérospatiales
Pierre-François Mary
136 pages, 24 x 24 cm, relié