Je dois bien l’avouer, quand j’ai aperçu la couverture de ce livre dans la noria de ceux qui apparaissent dans les Aéroforums, j’ai cru qu’il s’agissait d’une bande dessinée. L’illustration de couverture, le graphisme du titre surtout, le format enfin, m’avaient en quelques secondes fait classer le livre dans cette catégorie. Je serais alors passé à côté d’un livre intéressant ; cela tient donc parfois à vraiment peu de chose.
La couverture due à Lionel Labeyrie montre un Martin B-26 Marauder survolant la Loire, le moteur gauche en feu après la passe de tir d’un Focke-Wulf Fw-190. Pierre Babin commence par une cinquantaine de pages qui rappellent le contexte tant géographique qu’historique, avant d’entrer dans le vif du sujet. Le monomaniaque aéronautique trouvera cette entrée en matière superflue, le détail de tous ces châteaux un peu longuet, mais l’amateur d’histoire au sens large, qu’il habite le Maine-et-Loire ou pas, appréciera cette introduction.
Il faut bien le dire, Pierre Babin a bien travaillé. Il connaît bien son sujet, et a réussi là une synthèse très pointue, comme rarement j’en ai lue. Une excellente infographie permet de visualiser sans aucun mal le plan de vol de la formation de B-26, le combat aérien, le largage en urgence des bombes, les lieux d’atterrissage des sept parachutistes, les dernières secondes de vol de « By Golly » avec à bord deux hommes qui n’auront pas la chance de survivre. La capture rapide de quatre aviateurs et l’évasion de trois autres est décrite comme si on y était. Tout au plus regrette-t-on le manque de renseignements sur la capture ultérieure de deux évadés, au regard des détails dont le lecteur a été constamment abreuvé au préalable.
L’annexe III, relative aux combats de la Libération, attire la même remarque que l’introduction. Le passionné d’aviation la survolera, l’amateur d’histoire locale y trouvera son bonheur.
Les pinailleurs (dont je suis) trouveront à redire sur des détails tels que la syntaxe des unités allemandes, sur le quantième donné aux unité de la RAF (il n’y en a pas), les 11 groupes de bombardement de la 9th Air Force (pas 10) ou encore la manière d’indiquer le crédit des photographies. J’aime bien le Marauder, je connais son histoire et je trouve dommage que l’auteur ne lui ait pas consacré un petit peu plus d’espace, surtout dans un livre d’aviation dédié à l’histoire d’un équipage de B-26.
La reconstitution très précise des événements, l’iconographie ad hoc et l’infographie fort bien réalisée font la force de cet ouvrage de presque 180 pages. Comme on le lit en quatrième de couverture, « une rigueur d’historien, avec le souffle d’une épopée… ». Sans démagogie aucune, je suis d’accord et je partage également l’opinion exprimée par Pierre Babin dans sa conclusion, quand il rend hommage aux Français « ordinaires », bien plus nombreux qu’il n’y paraît, et qui en dehors des réseaux organisés, ont apporté leur aide à des aviateurs en fuite.
Espérons que ce livre aura du succès, et que cette réussite permettra à Pierre Babin de continuer à nous régaler avec une autre histoire, surtout si elle est aussi bien recherchée et racontée que celle-ci.
Jocelyn Leclercq
176 pages, format intérieur 21 x 29,7 cm, relié couverture rigide.
Planches couleur.