Indochine, Suez, Algérie… Trois défaites pour un pilote, trop impatient de voler de ses propres ailes pour rester scotché plusieurs années sur les bancs de l’École de l’Air. C’est tant mieux pour Armand, mais tant pis pour papa Steimetz qui voyait déjà son fiston porter des étoiles sur les épaules.
Voici un livre qui se lit, qui s’écoute, devrais-je dire, comme un témoignage verbal. Le pilote, par l’intermédiaire de l’auteur, relate toute sa carrière militaire, débutée en pleine guerre d’Indochine et terminée au-dessus des djebels algériens.
Ses premiers souvenirs remontent à la libération du Saumurois, en 1944. Période marquante mais pas dans le bon sens. Et pour cause… Après quatre années sombres, c’est une période trouble au cours de laquelle ses yeux d’enfant constatent, impuissant, les exactions de la part des résistants « Fifis » de la dernière heure, des justiciers assassins à la petite semaine ou des tondeurs de femmes suspectées (souvent à tort) d’avoir succombé aux « Ich liebe dich » des soldats de la Wehrmacht.
L’année suivante, ses parents décident de mettre le galopin aux Enfants de Troupe, une école où il apprendra la discipline et la révolte. Premiers concernés par cette dernière : sa famille. Alors que son père le destine à une haute école militaire et que sa mère l’imagine en médecin personnel pour ses vieux jours – ou en prêtre qui lui administrera l’extrême onction -, le jeune Armand décide de s’engager dans l’armée de l’Air le plus rapidement possible, par le biais des ORSA (officier de réserve en situation d’activité), un acronyme prononcé avec dédain par les « directs ».
Voler, il en rêve depuis qu’il a assisté à un combat aérien pendant la Seconde Guerre mondiale. En 1952, au moment où il obtient son brevet de pilote, la guerre s’éternise en Indochine. Épris de liberté et d’horizons exotiques, Armand se porte aussitôt volontaire et débarque à Saïgon. Après Suez et l’Algérie, il revient en métropole sur la base de Villacoublay, au GLAM, chargé de transporter les plus hautes autorités de l’État, là où le devoir ou le loisir les appellent. Jusqu’au bout, le gamin qui aspirait à visiter le monde, est parvenu à réaliser ses rêves. Jusqu’au bout, il voit ainsi du pays. Conformément à son statut, après quinze années de services et d’aventures, l’officier de réserve en situation d’activité est tout simplement rendu à la vie civile.
Cet ouvrage annoncé comme « romanesque » ressemble à s’y méprendre à un journal intime dans lequel Armand Steimetz a consigné tout ce qui a fait son quotidien au cours de sa carrière militaire : affectations, missions, avions, supérieurs hiérarchiques, amis, amours, emm….es. Le lecteur trouvera au fil des 196 pages de nombreuses anecdotes où le comique côtoie souvent le tragique, où l’on exorcise la mort d’un camarade en faisant la nouba, histoire de ne pas sombrer dans la dépression.
L’auteur nous régale de quelques morceaux d’anthologie où le sens de l’honneur et l’intelligence ne sont pas forcément du côté que l’on croit. L’ouvrage se termine par un pourboire intéressant sous la forme d’un florilège d’articles de presse concernant la guerre d’Indochine.
Le parcours d’Armand Steimetz est relaté dans un style rendu dynamique par l’utilisation du présent de l’indicatif. En conclusion, voici un recueil d’aventures à la fois pittoresques, attachantes, cocasses et pathétiques qui ne devrait laisser personne indifférent. Et j’en mets ma main à couper : que les anciens transporteurs qui ont fait l’Indo, Suez et l’Algérie et qui ne se retrouvent pas dans ces lignes lèvent le doigt !
Corinne Micelli
200 pages, 12,5 x 20 cm, broché