Des Anglais dans la Résistance

Le service secret d’action britannique
SOE en France 1940-1944
Michael R. D. Foot – Jean-Louis Crémieux-Brilhac

Aujourd’hui, lire un livre de 800 pages n’est plus guère chose courante (surtout quand il y a peu d’images comme c’est le case ici), mais cela se fait parfois sans trop de difficulté, comme c’est le cas pour le livre de Michael R.D. Foot. Cependant, il me fallait quand même, pour entamer la lecture, trouver le déclencheur qui allait susciter la motivation nécessaire. C’est en fait la note de l’éditeur qui me la fournit en écrivant “ il fut interdit de traduction par le gouvernement britannique [nous sommes en 1966] qui redoutait de susciter l’ire du général de Gaulle et les protestations d anciens résistants ”. Tiens donc ! En quoi ce livre pouvait-il être gênant pour la France très gaulliste des années soixante ?

Articulé en deux volets, ce livre explique sans concession pour quiconque quel a été le vrai rôle des Britanniques dans le développement et l’organisation des mouvements de résistance en France (car cela n’a jamais été une affaire purement franco-française), et les raisons pour lesquelles les Britanniques avaient intérêt à intervenir en France de manière si poussée car, pour les autres nations occupées où est également intervenu le SOE, l’implication y a été moins évidente. La position géographique de la France n’explique pas tout, loin s’en faut.

Le premier volet, plutôt politique dans le sens large du terme, très pertinent par ailleurs, relate la genèse et le développement du SOE et de ses moyens d’action, et expose la situation de la France vue de Grande-Bretagne et décrit parfois les traits de caractères de certains Français (mais sans l’humour des carnets du Major Thompson de Pierre Daninos) et les relations avec le général de Gaulle qui, semble-t-il, ne fera l’unanimité parmi les instances dirigeantes britannique que vers la fin de 1944 ! Seul, Churchill en bon visionnaire, avait su voir en de Gaulle le leader incontestable et indispensable, mais les réticences ont été nombreuses en particulier du côté du Foreign Office (ministère des affaires étrangères). En ce qui concerne les mouvements de résistance, de Gaulle a en fait pris le train en marche, car comme bon militaire de carrière, il pensait libérer la France par des moyens conventionnels et a négligé de considérer dans un premier temps le réel potentiel des forces alors en mouvement en France. Quand il se rendra compte du potentiel militaire et politique des actions à mener sur le territoire français de l’intérieur même, il voudra récupérer le contrôle total sur les mouvements de résistance, mais les choses ne se feront pas forcement selon son bon vouloir, car comme entre-temps le SOE et la Grande-Bretagne s’étaient mis à l’ouvrage pour organiser les réseaux en France et ne tenaient à se laisser déposséder ainsi, les tensions deviendront inévitables.

Le deuxième volet traite des opérations en tant que telles, les succès et les échecs (comme le fameux réseau PROSPER), relatant les faits, avec recul, sans passion aucune, mais le tout accompagné d’une fine analyse des événements. La véritable importance des actions de la Résistance pendant le débarquement de juin 1944 y est décrite avec précision.

Pour ceux qui veulent avoir un regard nouveau sur la Résistance et connaître une autre vision de son impact sur le cours de la guerre à l’Ouest, ce livre est le bienvenu, d’autant que les annexes (près de 200 pages) sont superbement détaillées et très instructives. Quant à ceux qui ont leurs idées verrouillées depuis soixante ans sur “la France combattante”, qu’ils s’abstiennent, leur tension risquerait de monter dangereusement…

Philippe Listemann


– Avant-propos de Jean-Louis Crémieux-Brilhac

800 pages, 14,5 x 21,5 cm, couverture souple

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Éditions Tallandier

ISBN : 978-284734-329-8

35 €